<183>de mer et de terre, et lui est beaucoup inférieure en richesses et en ressources.
La force donc d'un État ne consiste point dans l'étendue d'un pays, ni dans la possession d'une vaste solitude ou d'un immense désert, mais dans la richesse des habitants et dans leur nombre. L'intérêt d'un prince est donc de peupler un pays, de le rendre florissant, et non de le dévaster et de le détruire. Si la méchanceté de Machiavel fait horreur, ses raisonnements font pitié, et il aurait mieux fait d'apprendre à bien raisonner que d'enseigner sa politique monstrueuse.
« Un prince doit établir sa résidence dans une république nouvellement conquise. » C'est la troisième maxime de l'auteur; elle est plus modérée que les autres; mais j'ai fait voir dans le troisième chapitre les difficultés qui peuvent s'y opposer.
II me semble qu'un prince qui aurait conquis une république après avoir eu des raisons justes de lui faire la guerre, devrait se contenter de l'avoir punie, et lui rendre ensuite sa liberté; peu de personnes penseront ainsi. Pour ceux qui auraient d'autres sentiments, ils pourraient s'en conserver la possession en établissant de fortes garnisons dans les principales places de leur nouvelle conquête et en laissant, d'ailleurs, jouir le peuple de toute sa liberté.
Insensés que nous sommes! nous voulons tout conquérir, comme si nous avions le temps de tout posséder, et comme si le terme de notre durée n'avait aucune fin; notre temps passe trop vite, et souvent, lorsqu'on ne croit travailler que pour soi-même, on ne travaille que pour des successeurs indignes ou ingrats.