CHAPITRE X.
Depuis le temps où Machiavel écrivait son Prince politique, le monde est si fort changé, qu'il n'est presque plus reconnaissable. Les arts et les sciences, qui commençaient alors à renaître de leurs cendres, se ressentaient encore de la barbarie où l'établissement du christianisme, les fréquentes invasions des Goths en Italie et une suite de guerres cruelles et sanglantes les avaient plongés. A présent, les nations ont presque toutes troqué leurs anciennes coutumes contre de nouvelles, des princes faibles sont devenus puissants, les arts se sont perfectionnés, et la face de l'Europe est entièrement différente de ce qu'elle était au siècle de Machiavel.
Si un philosophe de ces temps reculés revenait au monde, il se trouverait très-idiot et très-ignorant : il n'entendrait pas même jusqu'au jargon de la nouvelle philosophie; il trouverait des cieux et une terre nouvelle; au lieu de cette inaction, au lieu de cette quiétude qu'il supposait à notre globe, il verrait le monde et tous les astres asservis aux lois du mouvement projectile et de l'attraction, qui, dans des ellipses différentes, tournent autour du soleil, qui lui-même a un mouvement spiral sur son axe; à la place des grands mots bizarres dont l'orgueilleuse emphase enveloppait de son obscurité le non-sens de ses pensées, et qui cachaient sa superbe ignorance, on lui apprendrait à connaître la vérité et l'évidence simplement et clairement; et pour son misérable roman de physique on lui donnerait des expériences admirables, certaines et étonnantes.