<212>ils sont animés, et que les objets palpables de la nature l'emportent autant sur l'intellectuel que le bonheur réel de cette vie sur le bonheur idéal de l'autre monde.
Cette puissance étonnante des ecclésiastiques fait le sujet de ce chapitre, de même que tout ce qui regarde leur gouvernement temporel.
Machiavel trouve que les princes ecclésiastiques sont fort heureux puisqu'ils n'ont à craindre ni la mutinerie de leurs sujets ni l'ambition de leurs voisins : le nom respectable et imposant de la Divinité les met à l'abri de tout ce qui pourrait s'opposer à leur intérêt et à leur grandeur; les princes qui les attaqueraient craignent le sort des Titans, et les peuples qui leur désobéiraient redoutent le destin des sacriléges. La pieuse politique de cette espèce de souverains s'applique à persuader au inonde ce que Despréaux exprime si bien dans ce vers : Qui n'aime pas Cotin n'aime Dieu ni le Roi.a
Ce qu'il y a d'étrange, c'est que ces princes trouvent assez de dupes dont la crédulité se repose sur leur bonne foi, et qui adhèrent sans autre examen à ce que les ecclésiastiques jugent à propos de leur faire croire.
Il est certain cependant qu'aucun pays ne fourmille plus de mendiants que ceux des prêtres; c'est là qu'on peut voir un tableau touchant de toutes les misères humaines, non pas de ces pauvres que la libéralité et les aumônes des souverains y attirent, de ces insectes qui s'attachent aux riches et qui rampent à la suite de l'opulence, mais de ces gueux faméliques que la charité de leurs évêques prive du nécessaire, pour prévenir la corruption et les abus que le peuple a coutume de faire de la superfluité.
Ce sont sans doute les lois de Sparte, où l'argent était défendu, sur lesquelles se fondent les principes de ces gouvernements ecclésiastiques, à la différence près que les prélats se réservent l'usage des biens dont ils dépouillent très-dévotement leurs sujets. Heureux, disent-ils, sont les pauvres, car ils héri-
a L'Auteur, croyant citer un vers de Boileau, ne fait que rappeler en gros le sens des vers 305 et 306 de la IXe satire de ce poëte :
Qui méprise Cotin n'estime point son roi,
Et n'a, selon Cotin, ni Dieu, ni foi, ni loi.