CHAPITRE XX.
Le paganisme représentait Janus avec deux visages, ce qui signifiait la connaissance parfaite qu'il avait du passé et de l'avenir. L'image de ce dieu, prise en un sens allégorique, peut très-bien s'appliquer aux princes. Ils doivent, comme Janus, voir derrière eux dans l'histoire de tous ces siècles qui se sont écoulés, et qui leur fournissent des leçons salutaires de conduite et de devoir; ils doivent, comme Janus, voir en avant par leur pénétration et par cet esprit de force et de jugement qui combine tous les rapports, et qui lit dans les conjonctures présentes celles qui doivent les suivre.
L'étude du passé est si nécessaire aux princes,a puisqu'elle leur fournit les exemples d'hommes illustres et vertueux; c'est donc l'école de la sagesse; l'étude de l'avenir leur est utile, puisqu'elle leur fait prévoir les malheurs qu'ils ont à craindre et les coups de fortune qu'ils ont à parer; c'est donc l'école de la prudence : deux vertus qui sont aussi nécessaires aux princes que la boussole et le compas, qui conduisent les gens de mer, le sont aux pilotes.
La connaissance de l'histoire est encore utile en ce qu'elle sert à multiplier le nombre d'idées qu'on a de soi-même; elle enrichit l'esprit, et fournit comme un tableau de toutes les vicissitudes de la fortune, et des exemples salutaires de ressources et d'expédients.
La pénétration dans l'avenir est bonne, puisqu'elle nous fait en quelque manière déchiffrer les mystères du destin; et en envi-
a Voyez t. I, p. XLV -XLVII, et t. II, p. XXIV.