<34>n'apercevait aucun nuage à la plus grande distance. J'avais passé toute la matinée à l'étude, et, pour me délasser du travail, je fis une partie de promenade avec Philante; nous nous entretînmes assez longtemps du bonheur dont jouissent les hommes, et de l'insensibilité de la plupart, qui ne goûtent point les douceurs d'un beau soleil et d'un air pur et tranquille. De considérations en considérations, nous nous aperçûmes que notre discours avait infiniment allongé notre promenade, et qu'il était temps de rebrousser chemin pour arriver au logis avant l'obscurité. Philante, qui l'observa le premier, m'en fit la guerre; je me défendis en lui disant que sa conversation me paraissait si agréable, que je ne comptais pas les moments lorsque je me trouvais avec lui, et que j'avais cru qu'il était assez temps de penser à notre retour lorsqu'on verrait baisser le soleil. - Comment! baisser le soleil! reprit-il. Êtes-vous copernicien? et vous accommodez-vous aux façons populaires de s'exprimer, et aux erreurs de Tycho Brahé? - Tout doucement, lui repartis-je, vous allez bien vite. D'abord il ne s'agissait point ici de philosophie dans une conversation familière, et si j'ai failli en péchant contre Copernic, ma faute doit m'être aussi facilement pardonnée qu'à Josué, qui fait arrêter le soleil dans sa course, et qui, étant divinement inspiré, devait bien être au fait des secrets de la nature. Josué parlait dans ce moment comme le peuple, et moi, je parle à un homme éclairé, qui m'entend également bien d'une ou d'autre manière. Mais puisque vous attaquez ici Tycho Brahé, souffrez que pour un moment je vous attaque à mon tour.
Il paraît que votre zèle pour Copernic est bien animé : vous lancez d'abord des anathèmes contre tous ceux qui se trouvent d'un sentiment contraire au sien. Je veux croire qu'il a raison; mais cela est-il bien sûr? Quel garant en avez-vous? Est-ce que la nature, est-ce que son auteur, vous ont révélé quelque chose sur l'infaillibilité de Copernic? Quant à moi, je ne vois qu'un système, c'est-à-dire, l'arrangement des visions de Copernic ajustées sur les opérations de la nature. - Et moi, reprit Philante en s'échauffant, j'y vois la vérité. - La vérité? et qu'appelez-vous la vérité? C'est, dit-il, l'évidence réelle des êtres et des faits. - Et connaître la vérité? continuai-je. - C'est, me répon-