<85>des hommes? Donnez-vous des exemples de trahison, craignez d'être trahi; en donnez-vous d'assassinat, craignez la main de vos disciples.
Borgia établit le cruel d'Orco gouverneur de la Romagne, pour réprimer quelques désordres; Borgia punit avec barbarie en d'autres de moindres vices que les siens. Le plus violent des usurpateurs, le plus faux des parjures, le plus cruel des assassins et des empoisonneurs condamne aux plus affreux supplices quelques filous, quelques esprits remuants qui copiaient le caractère de leur nouveau maître en miniature et selon leur petite capacité.
Ce roi de Pologne dont la mort vient de causer tant de troubles en Europe agissait bien plus conséquemment et plus noblement envers ses sujets saxons. Les lois de Saxe condamnaient tout adultère à avoir la tête tranchée. Je n'approfondis point l'origine de cette loi barbare, qui paraît plus convenable à la jalousie italienne qu'à la patience allemande. Un malheureux transgresseur de cette loi est condamné. Auguste devait signer l'arrêt de mort; mais Auguste était sensible à l'amour et à l'humanité : il donna sa grâce au criminel, et il abrogea une loi qui le condamnait tacitement lui-même.
La conduite de ce roi était d'un homme sensible et humain; César Borgia ne punissait qu'en tyran féroce. Borgia fait mettre ensuite en pièces le cruel d'Orco, qui avait si parfaitement rempli ses intentions, afin de se rendre agréable au peuple en punissant l'organe de sa barbarie. Le poids de la tyrannie ne s'appesantit jamais davantage que lorsque le tyran veut revêtir les dehors de l'innocence, et que l'oppression se fait à l'ombre des lois.
Borgia, poussant la prévoyance jusqu'au delà de la mort du pape son père, commençait par exterminer tous ceux qu'il avait dépouillés de leurs biens, afin que le nouveau pape ne s'en pût servir contre lui. Voyez la cascade du crime : pour fournir aux dépenses, il faut avoir des biens; pour en avoir, il faut en dépouiller les possesseurs; et pour en jouir avec sûreté, il faut les exterminer : raisonnement des voleurs de grand chemin.
Borgia, pour empoisonner quelques cardinaux, les prie à souper chez son père. Le pape et lui prennent par mégarde d'un breuvage empoisonné : Alexandre VI en meurt, Borgia en ré-