CHAPITRE VIII.
Je ne me sers que des propres paroles de Machiavel pour le confondre. Que pourrais-je dire de lui de plus atroce, sinon qu'il donne ici des règles pour ceux que leurs crimes élèvent à la grandeur suprême? C'est le titre de ce chapitre.
Si Machiavel enseignait le crime, s'il dogmatisait la perfidie dans une université de traîtres, il ne serait pas étonnant qu'il traitât des matières de cette nature : mais il parle à tous les hommes. Car un auteur qui se fait imprimer se communique à l'univers; il s'adresse principalement à ceux d'entre les hommes qui doivent être les plus vertueux, puisqu'ils sont destinés à gouverner les autres. Qu'y a-t-il de plus infâme, de plus insolent, que de leur enseigner la trahison, la perfidie et le meurtre? Il serait plutôt à souhaiter, pour le bien des hommes, que des exemples pareils à ceux d'Agathocles et d'Oliverotto de Fermo, que Machiavel se fait un plaisir de citer, fussent à jamais ignorés.
La vie d'un Agathocles ou d'un Oliverotto de Fermo sont capables de développer en un homme que son instinct porte à la scélératesse ce germe dangereux qu'il renferme en soi sans le bien connaître. Combien de jeunes gens qui se sont gâté l'esprit par la lecture des romans, qui ne voyaient et ne pensaient plus que comme Gandalin ou Médor!a Il y a quelque chose d'épidémique dans la façon de penser, s'il m'est permis de m'exprimer ainsi, qui se communique d'un esprit à l'autre. Cet homme extraordi-
a Voyez Arioste, Roland furieux, chant XVIII, st. 165; XIX, st. 20; XXIII, st. 103.