<123>État, si la naissance devait l'emporter sur le mérite, principe aussi erroné, aussi absurde, qu'un gouvernement qui l'adopterait en éprouverait de funestes conséquences.a Ce n'est pas à dire qu'il n'y ait des exceptions à la règle, et qu'il ne se trouve des sujets prématurés dont le mérite et les talents sollicitent en leur faveur; il serait seulement à souhaiter que les exemples en fussent plus communs. Enfin je suis persuadé qu'on fait des hommes ce que l'on veut. Il est constant que les Grecs et les Romains ont produit une foule de grands hommes en tout genre, et qu'ils en étaient redevables à cette éducation mâle que leurs lois avaient établie. Et si ces exemples paraissent trop surannés, considérons les travaux du czar Pierre Ier, qui parvint à policer une nation entièrement barbare; pourquoi ne corrigerait - on donc pas chez un peuple civilisé quelques vices de l'éducation? On croit faussement que les arts et les sciences amollissent les mœurs. Tout ce qui éclaire l'esprit, tout ce qui étend la sphère de ses connaissances, élève l'âme au lieu de la dégrader. Mais ce n'est pas le cas de ce pays-ci; plût à Dieu que les sciences y fussent plus aimées! C'est la méthode d'élever qui est défectueuse; qu'on la corrige, et l'on verra renaître les mœurs, les vertus et les talents. Cette jeunesse efféminée m'a souvent fait penser ce que dirait Arminius, ce fier défenseur de la Germanie, s'il voyait la génération de ces Suèves et des Sennons dégénérée, abâtardie et avilie; mais que ne dirait pas le grand électeur Frédéric-Guillaume, lui, qui, chef d'une nation mâle, chassa avec des hommes les Suédois de ses États, qu'ils dévastaient? Que sont devenues ces familles si célèbres de son temps, et quels sont leurs rejetons? Mais que deviendront celles qui fleurissent de nos jours? Quiconque est père doit faire de pareilles réflexions, pour s'encourager à remplir tous les devoirs qu'il doit à la postérité.

J'en viens à présent au sexe féminin, qui influe si prodigieusement sur l'autre. On distingue ici les femmes d'un certain âge, par l'éducation supérieure qu'elles ont reçue, de celles qui entrent récemment dans le grand monde; elles ont des connaissances, de l'agrément dans l'esprit, et une gaieté toujours décente. Ce contraste me parut si frappant, que j'en demandai la raison à un de


a Voyez ci-dessus, p. 43.