<124>mes amis. « Autrefois, me dit-il, il y avait quelques femmes à talents qui recevaient des filles de condition en pension chez elles; tout le monde s'empressait d'y placer ses enfants. C'est dans ces établissements que ces dames auxquelles vous applaudissez ont été élevées. Ces écoles ont cessé à la mort de celles qui les avaient instituées, personne ne les a remplacées; ce qui oblige chaque particulier d'élever ses enfants chez soi. La plupart des méthodes que l'on suit sont répréhensibles. On ne se donne pas la peine de cultiver l'esprit des filles, on les laisse sans connaissances, sans même leur inspirer des sentiments de vertu et d'honneur. L'éducation commune roule sur les grâces extérieures, sur l'air, sur l'ajustement; ajoutez à cela une légère teinture de musique, l'érudition de quelques comédies ou de quelques romans, la danse, le jeu, et vous avez un abrégé de toutes les connaissances du sexe. »
Je vous avoue que je fus surpris que des gens de la première condition élèvent leurs enfants comme des filles de théâtre; elles semblent mendier les regards du public, elles se contentent de plaire, et elles ne paraissent pas rechercher l'estime et la considération. Quoi! leur destination ne les appelle-t-elle pas à devenir mères de famille? Ne devrait-on pas diriger toute leur instruction à ce but, leur inspirer de bonne heure de l'horreur pour tout ce qui les déshonore, leur faire connaître les avantages de la sagesse, qui sont utiles et durables, au lieu que ceux de la beauté se passent et se fanent? Ne faudrait-il pas les rendre capables de former avec le temps leurs enfants aux bonnes mœurs? Et comment le prétendre d'elles, si elles n'en ont point elles-mêmes, si le goût de l'oisiveté, de la frivolité, du luxe, de la dépense, et si des scandales publics les empêchent de donner un bon exemple à leur famille? Je vous avoue que la négligence des pères de famille me paraît impardonnable; si leurs enfants se perdent, ils en sont la cause.
On regarde avec indulgence les Circassiens, parce qu'ils sont barbares, de ce qu'ils élèvent leurs filles à tous les manéges de la coquetterie et de la volupté, pour les vendre ensuite plus chèrement au sérail de Constantinople; c'est un trafic d'esclaves. Mais que chez un peuple libre et policé la première noblesse semble se