<126>nommer, de crainte de leur déplaire en blessant leur extrême modestie, qui met le comble à leurs vertus et à leurs talents. Avec une éducation plus mâle, plus vigoureuse, ce sexe l'emporterait sur le nôtre : il possède les charmes de la beauté; ceux de l'esprit ne leur sont-ils pas préférables?
Allons au fait. La société ne peut subsister sans des mariages légitimes qui la reproduisent et qui la rendent éternelle. Il faut donc soigner ces jeunes plantes qu'on forme pour devenir les souches de la postérité, de manière que le mâle et la femelle puissent remplir également les devoirs de chefs de famille. Il faut que la raison, l'esprit, les talents, les bonnes mœurs et la vertu servent également de base à cette éducation, afin que ceux qui l'ont reçue puissent la transmettre à ceux auxquels ils donneront la vie.
Enfin, pour ne rien oublier de ce qui peut tenir à cette matière, je dois y ajouter l'abus de l'autorité paternelle, qui force quelquefois les filles à se soumettre au joug d'un mariage mal assorti. Le père ne consulte que l'intérêt de sa famille, et quelquefois il ne suit que son caprice pour le choix de son gendre; ou il tombe sur un richard, sur un homme suranné, ou sur quelque sujet qui lui plaît. Il appelle sa fille, et lui dit : Mademoiselle, j'ai résolu de vous donner monsieur un tel pour époux. Sa fille, en gémissant, lui répond : Mon père, votre volonté soit faite. Voilà deux personnes unies, de caractère d'inclination, de mœurs incompatibles; le trouble entre dans ce nouveau ménage du jour que ce malheureux lien a été formé, et bientôt il est suivi de l'aversion, de la haine et du scandale. Voilà donc deux malheureux; le grand but du mariage est manqué. Monsieur et madame se séparent, ils dissipent leur bien dans le désordre, ils tombent dans le mépris, et finissent par la misère. Je respecte autant que personne l'autorité paternelle, et je ne m'élève point contre elle; mais je voudrais que ceux qui l'ont en main n'en abusassent pas en contraignant leurs enfants à se marier lorsqu'il se trouve une espèce d'antipathie entre les caractères et les âges; qu'ils choisissent pour eux-mêmes selon leur fantaisie, mais qu'ils consultent leurs enfants quand il s'agit d'un engagement dont dépend leur bonheur ou leur malheur pour toute leur vie. Si cela ne rend