<145>mencement de cette guerre, qu'une armée française envoyée alors en Allemagne rendrait Louis XV l'arbitre de ces princes qui étaient en litige, et les obligerait, selon sa volonté, de s'accommoder à l'amiable pour cette succession. Il est sûr qu'après le rôle que la France avait joué à la paix de Westphalie, elle ne pouvait en jouer ni de plus beau ni de plus grand que celui-là. Mais parce que la mauvaise fortune et toute sorte d'événements concoururent à déranger ces desseins, faut-il condamner Louis XV, parce qu'une partie de cette guerre fut malheureuse? Un philosophe doit-il juger d'un projet par l'événement? Mais il est plus facile de dire des injures à tout hasard que d'examiner et de réfléchir à ce qu'on veut dire. Quoi! cet homme qui se donne, au commencement de son ouvrage, pour un zélateur de la vérité, n'est qu'un vil exagérateur qui associe le mensonge à sa méchanceté pour insulter les souverains!

J'en viens à la guerre de 1756. Il faut que cet auteur des Préjugés ait bien des préjugés lui-même, et beaucoup d'aigreur contre sa patrie, s'il ne convient pas de bonne foi que ce fut alors l'Angleterre qui força la France à prendre les armes. Reconnaîtrai-je ce tyran sanguinaire et barbare que vous nous peignez avec de si sombres couleurs, dans le pacifique Louis XV, qui usa d'une patience et d'une modération angélique avant de se déclarer contre l'Angleterre? Que peut-on lui reprocher? Prétend-on qu'il ne devait pas se défendre? Mon ami, ou tu es un ignorant, ou tu as le cerveau brûlé, ou tu es un insigne calomniateur, choisis; mais pour philosophe, tu ne l'es pas.

En voilà pour les souverains.12 Qu'on ne s'imagine pas que l'auteur ménage davantage les autres conditions; chacune est en butte à ses sarcasmes. Mais avec quel mépris insultant, avec quelle indignité ne traite-t-il pas les gens de guerre! A l'entendre, il semble que ce ne soient que les plus vils excréments de la société. Mais en vain son orgueil philosophique tente-t-il d'abaisser leur mérite; la nécessité de se défendre en fera toujours sentir le prix. Mais souffrirons-nous qu'un cerveau brûlé insulte au


12 Ce morceau a été fourni par un militaire indigné du silence de ses confrères, pour que les philosophes ne prissent pas leur silence pour un consentement tacite aux sottises qu'ils se sont mis en goût de leur dire depuis un certain temps.