<173>dans des villes immenses que dans des hameaux, il arrive de même que la contagion du vice fait plus de progrès dans les cités, qui fourmillent de peuple, que dans les campagnes, où les travaux journaliers et une vie plus retirée conservent la simplicité des mœurs dans leur pureté.

Il s'est trouvé de faux politiques, resserrés dans leurs petites idées, qui, sans approfondir la matière, ont cru qu'il était plus facile de gouverner un peuple ignorant et stupide qu'une nation éclairée. C'est vraiment puissamment raisonner, tandis que l'expérience prouve que plus le peuple est abruti, plus il est capricieux et obstiné, et la difficulté est bien plus grande de vaincre son opiniâtreté que de persuader des choses justes à un peuple assez policé pour entendre raison. Le beau pays que celui où les talents demeureraient éternellement étouffés, et où il n'y aurait qu'un seul homme moins borné que les autres! Un tel État, peuplé d'ignorants, ressemblerait au paradis perdu de la Genèse, qui n'était habité que par des bêtes.

Quoiqu'il ne soit pas nécessaire de prouver à cet illustre auditoire et dans cette académie que les arts et les sciences procurent autant d'utilité qu'ils donnent d'éclat aux peuples qui les possèdent, il ne sera peut-être pas inutile d'en convaincre un genre de personnes moins éclairées, pour les prémunir contre les impressions que de vils sophistes pourraient faire sur leur esprit. Qu'ils comparent un sauvage du Canada avec quelque citoyen d'un pays policé de l'Europe, et tout l'avantage sera en faveur de ce dernier. Comment peut-on préférer la nature grossière à la nature perfectionnée, le manque de moyens de subsister à une vie aisée, la grossièreté à la politesse, la sûreté des possessions dont on jouit à l'abri des lois au droit du plus fort et au brigandage, qui anéantit les fortunes et l'état des familles? La société, formant un corps de peuple, ne saurait se passer ni des arts ni des sciences. C'est par le nivellement et l'hydraulique que les contrées situées le long des fleuves se mettent à couvert des débordements et des inondations; sans ces arts, des terrains féconds se changeraient en marais malsains, et priveraient nombre de familles de leur subsistance. Les terrains plus élevés ne sauraient se passer d'arpenteurs pour mesurer et partager les