<178>humaine des consolations et des secours qu'elle peut puiser dans les belles-lettres contre les amertumes dont la vie est remplie. Qu'on nous délivre de nos infortunes, ou qu'on nous permette de les adoucir. Ce ne sera pas moi qui répondrai à ces ennemis atrabilaires des belles-lettres : mais je me servirai des paroles de ce consul philosophe, le père de la patrie et de l'éloquence. « Les lettres, dit-il,18 cultivent la jeunesse, réjouissent la vieillesse, donnent du lustre à la fortune, offrent un asile et consolent dans la disgrâce, plaisent au dedans de la maison, n'importunent point au dehors, veillent les nuits avec nous, voyagent avec nous, résident aux champs avec nous. Fussions-nous même incapables d'y parvenir ou d'en bien goûter les charmes, nous devrions toujours les admirer, à ne les voir que dans les autres. »
Que ceux qui aiment tant à déclamer apprennent à respecter ce qui est respectable, et, au lieu de censurer des occupations également honnêtes et utiles, qu'ils répandent plutôt leur bile sur l'oisiveté, qui est la mère de tous les vices. Si les sciences et les arts n'étaient pas d'une nécessité indispensable aux sociétés, s'il n'y avait pas de l'utilité, de l'agrément et de la gloire à les cultiver, comment la Grèce aurait-elle jeté ce vif éclat dont elle éblouit encore nos yeux, dans ces temps mémorables où elle porta les Socrate, les Platon, les Aristote, les Alexandre, les Périclès, les Thucydide, les Euripide, les Xénophon? Les faits vulgaires s'effacent de la mémoire; mais les actions, les découvertes, les progrès des grands hommes font des impressions durables.
Il en fut de même chez les Romains : leur beau siècle fut celui où le stoïque Caton périt avec la liberté; où Cicéron foudroyait Verrès, publiait son livre des Offices, ses Tusculanes, son ouvrage immortel de la Nature des dieux; où Varron écrivait ses Origines et son poëme sur la guerre civile;a où César effaça par sa clémence ce que son usurpation avait d'odieux; où Virgile récitait
18 Oratio pro Archia. [D'après la traduction de M. de Villefore. Voyez t. VIII, p. 156 et 304.]
a Varron n'a pas composé de poëme sur la guerre civile, ni d'ouvrage intitulé les Origines. Ce dernier titre est celui d'un livre, aujourd'hui perdu, qui avait Caton pour auteur. Mais Varron, un des plus illustres savants de son temps, était en particulier un grand archéologue. Voyez t. VII, p. 70.