<204>La France en a donné l'exemple, et elle en a senti l'avantage en différentes occasions.

Mais ni la politique ni le militaire ne peuvent prospérer, si les finances ne sont pas entretenues dans le plus grand ordre, et si le prince lui-même n'est économe et prudent. L'argent est comme la baguette des enchanteurs, par le moyen de laquelle ils opéraient des miracles. Les grandes vues politiques, l'entretien du militaire, les meilleures intentions pour le soulagement des peuples, tout cela demeure engourdi, si l'argent ne le vivifie. L'économie du souverain est d'autant plus utile pour le bien public, que s'il ne se trouve pas avoir des fonds suffisants en réserve, soit pour fournir aux frais de la guerre sans charger ses peuples d'impôts extraordinaires, soit pour secourir les citoyens dans des calamités publiques, toutes ces charges tombent sur les sujets, qui se trouvent sans ressource dans des temps malheureux où ils ont si grand besoin d'assistance. Aucun gouvernement ne peut se passer d'impôts; soit républicain, soit monarchique, il en a un égal besoin. Il faut bien que le magistrat chargé de toute la besogne publique ait de quoi vivre, que les juges soient payés, pour les empêcher de prévariquer, que le soldat soit entretenu, afin qu'il ne commette point de violences faute d'avoir de quoi subsister; il faut de même que les personnes préposées au maniement des finances soient assez bien pavées pour que le besoin ne les oblige pas d'administrer infidèlement les deniers publics. Ces différentes dépenses demandent des sommes considérables; ajoutez-y encore quelque argent mis annuellement de côté pour les cas extraordinaires : voilà cependant ce qui doit être nécessairement pris sur le peuple. Le grand art consiste à lever ces fonds sans fouler les citoyens. Pour que les taxes soient égales et non arbitraires, l'on fait des cadastres, qui, s'ils sont classifiés avec exactitude, proportionnent les charges selon les moyens des individus; cela est si nécessaire, qu'une faute impardonnable en finance serait si les impôts, maladroitement répartis, dégoûtaient l'agriculteur de ses travaux; il doit, ayant acquitté ses droits, pouvoir encore vivre avec une certaine aisance, lui et sa famille. Bien loin d'opprimer les pères nourriciers de l'État, il faut les encourager à bien cultiver leurs terres;