<206>pour abolir cette coutume barbare; mais il n'en est pas ainsi, elle tient à d'anciens contrats faits entre les possesseurs des terres et les colons. L'agriculture est arrangée en conséquence des services des paysans; en voulant abolir tout d'un coup cette abominable gestion, on bouleverserait entièrement l'économie des terres, et il faudrait en partie indemniser la noblesse des pertes qu'elle souffrirait en ses revenus.
Ensuite s'offre l'article des manufactures et du commerce, non moins important. Pour qu'un pays se conserve dans une situation florissante, il est de toute nécessité que la balance du commerce lui soit avantageuse : s'il paye plus pour les importations qu'il ne gagne par les exportations, il faut nécessairement qu'il s'appauvrisse d'année en année. Qu'on se figure une bourse où il y a cent ducats : tirez-en journellement un, et n'y remettez rien, vous conviendrez qu'au bout de cent jours la bourse sera vide. Voici les moyens d'obvier à cette perte : faire manufacturer toutes les premières matières qu'on possède, faire travailler les matières étrangères pour y gagner la main-d'œuvre, et travailler à bon marché pour se procurer le débit étranger. Quant au commerce, il roule sur trois points : sur le superflu de vos denrées, que vous exportez; sur celles de vos voisins, qui vous enrichissent en les vendant; et sur les marchandises étrangères que vos besoins exigent et que vous importez. C'est sur ces productions que nous venons d'indiquer, que doit se régler le commerce d'un État; voilà de quoi il est susceptible par la nature des choses. L'Angleterre, la Hollande, la France, l'Espagne, le Portugal, ont des possessions aux deux Indes et des ressources plus étendues pour leur marine marchande que les autres royaumes; profiter des avantages qu'on a, et ne rien entreprendre au delà de ses forces, c'est le conseil de la sagesse.
Il nous reste à parler des moyens les plus propres pour maintenir invariablement l'abondance des vivres, dont la société a un besoin indispensable pour demeurer florissante. La première chose est d'avoir soin de la bonne culture des terres, de défricher tous les terrains qui sont capables de rapport, d'augmenter les troupeaux pour gagner d'autant plus de lait, de beurre, de fromage et d'engrais; d'avoir ensuite un relevé exact de la quantité