<207>de boisseaux des différentes espèces de grains gagnés dans de bonnes, dans de médiocres et dans de mauvaises années; d'en décompter la consommation, et, par ce résultat, de s'instruire de ce qu'il y a de superflu, dont l'exportation doit être permise, ou de ce qui manque à la consommation, et que le besoin demande qu'on se procure. Tout souverain attaché au bien public est obligé de se pourvoir de magasins abondamment fournis, pour suppléer à la mauvaise récolte et pour prévenir la famine. Nous avons vu en Allemagne, dans les mauvaises années de 1771 et de 1772, les malheurs que la Saxe et les provinces de l'Empire ont soufferts, parce que cette précaution si utile avait été négligée. Le peuple broyait l'écorce des chênes, qui lui servait d'aliment. Cette misérable nourriture accéléra sa mort; nombre de familles ont péri sans secours; c'était une désolation universelle. D'autres, pâles, blêmes et décharnés, se sont expatriés pour chercher des secours ailleurs; leur vue excitait la compassion, un cœur d'airain y aurait été sensible. Quels reproches leurs magistrats ne devaient-ils pas se faire d'être les spectateurs de ces calamités sans y pouvoir porter de remède!
Nous passons maintenant à un autre article, aussi intéressant peut-être. Il est peu de pays où les citoyens aient des opinions pareilles sur la religion; elles diffèrent souvent entièrement; il en est d'autres qu'on appelle des sectes. La question s'élève alors : faut-il que tous les citoyens pensent de même, ou peut-on permettre à chacun de penser à sa guise? Voilà d'abord de sombres politiques qui vous disent : Tout le monde doit être de la même opinion, pour que rien ne divise les citoyens. Le théologien y ajoute : Quiconque ne pense pas comme moi est damné, et il ne convient pas que mon souverain soit roi des damnés; il faut donc les rôtir dans ce monde, pour qu'ils prospèrent d'autant mieux dans l'autre. On répond à cela que jamais une société ne pensera de même; que chez les nations chrétiennes la plupart sont anthropomorphites; que chez les catholiques le grand nombre est idolâtre, parce qu'on ne me persuadera jamais qu'un manant sache distinguer le culte de latrie et d'hyperdulie; il adore de bonne foi l'image qu'il invoque. Voilà donc nombre d'hérétiques dans toutes les sectes chrétiennes; de plus, chacun croit ce qui lui paraît vrai-