<21>Henri Ier, dit Beauclerc, permit aux héritiers nobles de prendre possession des successions qui leur retombaient, sans rien payer au souverain; il permit même à la noblesse de se marier sans le consentement du prince.

Nous voyons encore que le roi Étienne donna une chartre par laquelle il reconnaît tenir son pouvoir du peuple et du clergé, qui confirme les prérogatives de l'Église, et abolit les lois rigoureuses de Guillaume le Conquérant.

Ensuite Jean Sans-Terre accorda à ses sujets la chartre dite la grande chartre; elle consiste en soixante-deux articles.

Les articles principaux règlent la façon de relever les fiefs; le partage des veuves, en défendant de les contraindre à convoler en secondes noces; elle les oblige sous caution à ne se point remarier sans la permission de leur seigneur suzerain. Ces lois établissent les cours de justice dans des lieux stables; elles défendent au parlement de lever des impôts sans le consentement des communes, à moins que ce ne soit pour racheter la personne du Roi, ou afin de faire son fils chevalier, ou pour doter sa fille; elles ordonnent de n'emprisonner, de ne déposséder, ni de ne faire mourir personne sans que ses pairs l'aient jugé selon les lois du royaume; et, de plus, le Roi s'engage à ne vendre ni refuser la justice à personne.

Les lois de Westminster, qu'Édouard Ier publia, n'étaient qu'un renouvellement de la grande chartre, excepté qu'il défendit l'acquisition des terres aux gens de mainmorte, et qu'il bannit les juifs du royaume.

Quoique l'Angleterre ait beaucoup de sages lois, c'est peut-être le pays de l'Europe où elles sont le moins en vigueur. Rapin Thoyras remarque très-bien que, par un vice du gouvernement, le pouvoir du Roi se trouve sans cesse en opposition avec celui du parlement; qu'ils s'observent mutuellement, soit pour conserver leur autorité, soit pour l'étendre; ce qui distrait et le Roi et les représentants de la nation du soin qu'ils devraient employer au maintien de la justice; et ce gouvernement turbulent et orageux change sans cesse ses lois par acte de parlement, selon que les conjonctures et les événements l'y obligent; d'où il s'ensuit que l'Angleterre est dans le cas d'avoir plus besoin de réforme dans sa jurisprudence qu'aucun autre royaume.