<216>monde. Si vous résumez ce que l'histoire rapporte sur ce sujet, vous trouverez qu'on ne peut attribuer la chute de ces républiques qu'à des citoyens aveuglés par leurs passions, qui, préférant leur bien particulier à l'intérêt de leur patrie, ont rompu le pacte social, et ont agi comme ennemis de la communauté à laquelle ils appartenaient.
Je me souviens que vous étiez d'opinion qu'on pouvait s'attendre à trouver des citoyens dans les républiques, mais que vous ne croyiez pas qu'il y en eût dans les monarchies : souffrez que je vous désabuse de cette erreur. Les bonnes monarchies, dont l'administration est sage et pleine de douceur, forment de nos jours un gouvernement qui approche plus de l'oligarchie que du despotisme; ce sont les lois seules qui règnent. Entrons dans quelque détail. Représentez-vous le nombre des personnes employées dans les conseils, à l'administration de la justice, à celle des finances, dans les missions étrangères, dans le commerce, dans les armées, dans la police intérieure; ajoutez-y celles qui ont leur voix dans les provinces d'états : toutes, vous dis-je, participent à l'autorité souveraine. Le prince n'est donc pas un despote qui n'a pour règle que son caprice. On doit l'envisager comme étant le point central où aboutissent toutes les lignes de la circonférence. Ce gouvernement procure dans ses délibérations le secret qui manque aux républiques, et les différentes branches de l'administration, étant réunies, se mènent de front, comme les quadriges des Romains, et coopèrent mutuellement au bien général du public. De plus, vous trouverez toujours moins d'esprit de parti et de faction dans les monarchies, si elles ont à leur tête un souverain ferme, que dans les républiques, qui sont souvent déchirées par des citoyens qui briguent et cabalent pour se culbuter les uns les autres. S'il y a en Europe quelque exception à faire à ce que je viens de dire, ce peut être à l'égard de l'empire ottoman ou de quelque autre gouvernement qui, méconnaissant ses véritables intérêts, n'ait pas lié assez étroitement l'intérêt des particuliers à ceux des souverains. Un royaume bien gouverné doit être comme une famille, dont le souverain est le père, et les citoyens, ses enfants; les biens et les maux sont communs entre eux, car le monarque ne saurait être heureux quand ses peuples