<23>ou il ne faut point espérer qu'elles subsistent. Le peuple romain voulait la démocratie, tout ce qui pouvait altérer cette forme de gouvernement lui était odieux; de là vint qu'il y eut tant de séditions pour faire passer la loi agraire, le peuple se flattant que, par le partage des terres, il rétablirait une sorte d'égalité dans les fortunes des citoyens; de là vint qu'il y eut de fréquentes émeutes pour l'abolition des dettes, parce que les créanciers, qui étaient les grands, traitaient leurs débiteurs, qui étaient les plébéiens, avec inhumanité, et que rien ne rend plus odieuse la différence des conditions que la tyrannie que les riches exercent impunément sur les misérables.

On trouve trois sortes de lois dans tous les pays, à savoir : celles qui tiennent à la politique, et qui établissent le gouvernement; celles qui tiennent aux mœurs, et qui punissent les criminels; et enfin les lois civiles, qui règlent les successions, les tutelles, les usures et les contrats. Les législateurs qui établissent des lois dans des monarchies sont ordinairement eux-mêmes souverains : si leurs lois sont douces et équitables, elles se soutiennent d'elles-mêmes, tous les particuliers y trouvent leur avantage; si elles sont dures et tyranniques, elles seront bientôt abolies, parce qu'il faut les maintenir par la violence, et que le tyran est seul contre tout un peuple qui n'a de désir que de les supprimer.

Dans plusieurs républiques où des particuliers ont été législateurs, leurs lois n'ont réussi qu'autant qu'elles ont pu établir un juste équilibre entre le pouvoir du gouvernement et la liberté des citoyens.

Il n'est que les lois qui regardent les mœurs, sur lesquelles les législateurs conviennent, en général, du même principe; excepté qu'ils se sont plus roidis contre un crime que contre un autre, et cela, sans doute, pour avoir connu les vices auxquels la nation avait le plus de penchant.

Comme les lois sont des digues qu'on oppose au débordement des vices, il faut qu'elles se fassent respecter par la terreur des peines; mais il n'en est pas moins vrai que les législateurs qui ont le moins aggravé les châtiments sont au moins les plus humains, s'ils ne sont pas les plus rigides.

Les lois civiles sont celles qui diffèrent le plus entre elles :