<240>per se, d'avec ens per aggregationem. L'un signifie un être seul et unique : tel homme, tel cheval, tel éléphant; l'autre joint plusieurs corps ensemble, dont il forme une masse : la ville de Paris, en sous-entendant ses habitants; une armée, c'est une quantité de soldats; un empire, c'est une nombreuse association d'hommes. Ainsi le pays où nous avons reçu la lumière s'appelle notre patrie. Cette patrie existe donc réellement, et ce n'est point un être de raison; elle est composée d'une multitude de citoyens qui tous vivent dans la même société, sous les mêmes lois et avec les mêmes coutumes; et comme nos intérêts et les siens sont étroitement unis, nous lui devons notre attachement, notre amour et nos services. Que pourraient répondre ces cœurs tièdes et lâches, que pourraient répondre tous les encyclopédistes de l'univers, si la patrie personnifiée se présentait subitement devant eux, et leur tenait à peu près ce langage : « Enfants dénaturés autant qu'ingrats auxquels j'ai donné le jour, serez-vous toujours insensibles aux bienfaits dont je vous comble? D'où tenez-vous vos aïeux? c'est moi qui les ai produits. D'où ont-ils tiré leur nourriture? de ma fécondité inépuisable; leur éducation? ils me la doivent; leurs biens et leurs possessions? c'est mon sol qui les leur fournit. Vous-mêmes, vous êtes nés dans mon sein. Enfin vous, vos parents, vos amis, tout ce que vous avez de plus cher au monde, c'est moi qui vous donnai l'être. Mes tribunaux de justice vous protégent contre l'iniquité, ils défendent vos droits, ils garantissent vos possessions; la police que j'ai établie veille à votre sûreté; vous parcourez les villes et les campagnes également à l'abri des surprises des voleurs et du poignard des assassins; et les troupes que j'entretiens vous défendent contre la violence, la rapacité et les invasions de nos ennemis communs. Je ne me borne pas à contenter vos besoins urgents; mes soins vous procurent les aisances et toutes les commodités de la vie. Enfin, si vous voulez vous instruire, vous trouvez des maîtres en tout genre; désirez-vous de vous rendre utiles, les emplois vous attendent; êtes-vous infirmes ou malheureux, ma tendresse pour vous a ménagé des secours que vous trouvez tout préparés; et pour tant de faveurs que je vous prodigue journellement, je ne vous demande d'autre reconnaissance si ce n'est d'aimer »