<27>regorge de biens et nage dans le superflu; l'autre, abandonné de la fortune, manque même du nécessaire. Qu'un malheureux dérobe, pour vivre, quelques pistoles, une montre d'or ou pareilles bagatelles à un homme que sa magnificence empêche de s'apercevoir de cette perte, faut-il que ce misérable soit dévoué à la mort? L'humanité n'exige-t-elle pas qu'on adoucisse cette extrême rigueur? Il paraît bien que les riches ont fait cette loi; les pauvres ne seraient-ils pas en droit de dire : « Que n'a-t-on de la commisération de notre état déplorable? Si vous étiez charitables, si vous étiez humains, vous nous secourriez dans nos misères, et nous ne vous volerions pas. Parlez : est-il juste que toutes les félicités de ce monde soient pour vous, et que toutes les infortunes nous accablent? »
La jurisprudence prussienne a trouvé un tempérament entre le relâchement de celle d'Égypte et la sévérité de celle de France : les lois ne punissent point de mort le vol simple; elles se contentent de condamner le coupable à certain temps de prison. Peut-être ferait-on mieux encore d'introduire la loi du talion qui s'observait chez les Juifs, par laquelle le voleur était obligé de restituer le double de ce qu'il avait dérobé, ou de se constituer l'esclave de celui dont il avait saisi le bien. Si l'on se contente de punir légèrement les petites fautes, on réserve les derniers supplices aux brigands, aux meurtriers, aux assassins, de sorte que la punition marche toujours de pair avec le crime.
Aucune loi ne révolte plus l'humanité que le droit de vie et de mort que les pères avaient sur leurs enfants à Sparte et à Rome. En Grèce, un père qui se trouvait trop pauvre pour fournir aux besoins d'une famille nombreuse faisait périr les enfants qui lui naissaient de trop; à Sparte et à Rome, qu'un enfant vînt au monde mal conformé, cela autorisait suffisamment le père à lui ôter la vie. Nous sentons toute la barbarie de ces lois, à cause que ce ne sont pas les nôtres; mais examinons un moment si nous n'en avons pas d'aussi injustes.
N'y a-t-il point quelque chose de bien dur dans la façon dont nous punissons les avortements? A Dieu ne plaise que j'excuse l'action affreuse de ces Médées qui, cruelles à elles-mêmes et à la voix du sang, étouffent la race future, si j'ose m'exprimer ainsi,