<32>Quintilien traite de cette matière dans son livre de l'Orateur, et nous voyons, dans les oraisons de Cicéron, qu'il oppose souvent une loi à une autre; nous trouvons de même dans l'histoire de France des édits tantôt en faveur et tantôt contre les huguenots. Le besoin de rédiger ces sortes d'ordonnances est d'autant plus indispensable, que rien n'est moins digne de la majesté des lois, qu'on suppose toujours établies avec sagesse, que d'y découvrir des contradictions ouvertes et manifestes.
L'édit contre les duels est très-juste, très-équitable, très-bien fait; mais il n'amène point au but que les princes se sont proposé en le publiant : des préjugés plus anciens que cet édit l'emportent sur lui de haute lutte, et il semble que le public, rempli de fausses opinions, soit convenu tacitement de n'y point obéir; un point d'honneur mal entendu, mais généralement reçu, brave le pouvoir des souverains, et ils ne peuvent maintenir cette loi en vigueur qu'avec une espèce de cruauté. Tout homme qui a le malheur d'être insulté par un brutal passe pour un lâche dans tout l'univers, s'il ne se venge de son affront en donnant la mort à celui qui en est l'auteur; si cette affaire arrive à un homme de condition, on le regarde comme indigne des titres de noblesse qu'il porte; s'il est militaire, et qu'il ne termine point son différend, on le force de sortir avec ignominie du corps dans lequel il sert, et il ne trouve de l'emploi dans aucun service de l'Europe. Quel parti prendra donc un particulier, s'il se trouve engagé dans une affaire aussi épineuse? Voudra-t-il se déshonorer en obéissant à la loi, ou ne risquera-t-il pas plutôt sa vie et sa fortune pour sauver sa réputation?
Le point de la difficulté qui reste à résoudre serait de trouver un expédient qui, en conservant l'honneur aux particuliers, maintînt la loi dans toute sa vigueur.
La puissance des plus grands rois n'a rien pu contre cette mode barbare : Louis XIV, Frédéric Ier et Frédéric-Guillaume publièrent des édits rigoureux contre les duels; ces princes n'avancèrent rien, sinon que les duels changèrent de nom, et passèrent pour des rencontres, et que bien des nobles qui avaient été tués furent enterrés comme étant morts subitement.
Si tous les princes de l'Europe n'assemblent pas un congrès, et ne