<47>lui, qu'on accusa d'aspirer à la monarchie universelle, était plus flatté de la soumission du doge de Gênes que des triomphes de ses généraux sur les ennemis. Louis XIV eut des faiblesses; personne n'ignore ses attachements pour quelques dames de sa cour, que madame de Maintenon l'emporta sur les autres, et que, pour concilier sa conscience et son amour, il l'épousa secrètement; de là ces cris et ces clameurs, comme si tout le royaume allait périr, parce que le Roi avait le cœur sensible. Pendant que tant de libelles le déchiraient, lui et sa maîtresse, depuis sa cour jusqu'au plus petit commis de Paris, et ceux même qui écrivaient avec tant d'indécence contre lui, chacun avait sa maîtresse, et l'on condamnait comme un crime dans la conduite du Roi ce qu'on ne désapprouvait pas dans celle du moindre de ses sujets. C'est à ces marques que la passion de l'auteur se déclare, et qu'il peint, sans s'en apercevoir, les traits de la haine et de l'animosité qui lui rongent le cœur.

Ce n'était pas sur ses amours qu'il fallait blâmer Louis XIV; s'il était répréhensible, ce fut pour avoir fait exercer des cruautés inouïes dans le Palatinat, et pour avoir autorisé Mélac à faire une guerre d'incendiaire et de barbare. On ne saurait non plus le justifier sur la révocation de l'édit de Nantes; il veut forcer les consciences, il en vient à des rigueurs excessives, et il prive son royaume d'un nombre de mains industrieuses qui transportent dans les lieux de leur asile leurs talents et la haine de leurs persécuteurs. Si j'en excepte ces deux taches qui obscurcissent la beauté d'un long règne, quels reproches peut-on faire à ce roi qui méritent des satires aussi amères que celles qu'on a écrites contre lui? Est-ce à des hommes abîmés de misères, qui n'ont pour talents qu'une malheureuse facilité d'écrire, à s'attaquer au trône de leurs souverains? Leur convient-il d'envenimer la conduite des grands, de s'acharner sur leurs faiblesses, de se faire une étude de leur trouver des défauts? Est-ce à des inconnus éloignés de toute affaire, qui voient le gros des événements sans savoir ce qui les amène, qui connaissent les actions sans en connaître les motifs, qui font le cours de leur politique dans les gazettes, à juger de ceux qui gouvernent le monde? Et leur ignorance même peut-elle servir d'excuse à leur témérité? Mais la malice les dé-