<63>Deshoulières, qui est une pièce charmante, et nous plaignons bien les algébristes, auxquels elle n'a pas l'honneur de plaire. La satire en vers, loin d'être ennuyeuse, a un sel qui réveille et qui plaît, parce que l'homme est né malin; mais elle est plus dangereuse que la prose, à cause qu'elle se retient facilement. Ses hémistiches deviennent proverbes, et malheur au nom qui s'y trouve enfermé! La satire en prose a l'avantage de s'oublier plus tôt, et s'il faut de la satire, elle est plus compatible avec l'humanité. Les petits vers, s'ils ont de la gaieté, de la naïveté et de la gentillesse, sont le siége de la bonne plaisanterie. S'il y en a de mauvais, cela n'empêche pas que les bons ne fassent les charmes des sociétés; mais nos géomètres, qui sont perchés sur l'anneau de Saturne, ne savent pas ce que c'est que tout cela; la vapeur des équations les empêche de savoir ce qui se passe sur ce petit globe terraqué.

Le peuple versificateur est bien à plaindre d'être foudroyé par des curvilignes. Cependant il ne se croit pas perdu, et il est persuadé que trente bons vers font plus de plaisir au public que tout le calcul des éphémérides ne lui en fera jamais. Voici encore un autre tour dangereux de ces barbares géomètres. Ils s'en prennent aux poëtes médiocres, dont par malheur le nombre abonde, et, faisant entrevoir que leur crédit baisse, ils veulent en tirer des principes dont les conséquences tendront à la ruine de la poésie; et cela est si vrai, qu'ils déclarent que Virgile n'a pas l'honneur de les amuser. Ils en attaqueraient encore bien d'autres, mais ils craignent les vivants, et les morts ne mordent point; qu'ils se barbouillent d'algèbre, qu'ils pâlissent sur leur calcul infinitésimal, qui est la chose la plus amusante du monde : mais qu'ils s'abstiennent en même temps de porter la guerre dans une province voisine dont ils ne connaissent ni les lois ni les coutumes, et où ils embrouilleraient tout sous le prétexte spécieux de réformer les abus.

Messieurs les géomètres voudraient être les maîtres du genre humain. Ils se saisissent de la raison comme si eux seuls avaient des droits sur elle; ils vous parlent avec emphase de l'esprit philosophique, comme si on ne pouvait le posséder que par ab minus x, et cent choses pareilles. Qu'ils sachent que la raison appartient