<94>s'est rendu indigne par sa férocité d'éprouver désormais de nouveaux bienfaits. Il faudrait dire sans cesse aux hommes : « Soyez doux et humains, parce que vous êtes faibles et que vous avez besoin d'assistance; soyez justes envers les autres, afin qu'à votre tour les lois puissent vous protéger contre toute violence étrangère; en un mot, ne faites point à d'autres ce que vous ne voudriez pas que l'on vous fît. »

Je n'entreprends point de détailler dans cette légère esquisse tous les arguments que l'amour-propre fournit aux hommes pour vaincre leurs mauvais penchants et les inciter à mener une vie plus vertueuse. Les bornes de ce discours ne permettent pas que cette matière y soit épuisée; je me contente d'avancer que tous ceux qui trouveront de nouveaux motifs propres à réformer les mœurs rendront un service important à la société, j'ose même dire à la religion.

Rien de plus vrai, de plus évident que la société ne saurait subsister ni se maintenir sans la vertu et les bonnes mœurs de ceux qui la composent. Des mœurs dépravées, une effronterie scandaleuse dans le vice, un mépris pour la vertu et pour ceux qui l'honorent, de la mauvaise foi dans le commerce, des parjures, des perfidies, un intérêt particulier qui succède à celui de la patrie, sont les avant-coureurs de la chute des États et de la ruine des empires, parce que, aussitôt que les idées du bien et du mal sont confondues, il n'y a plus ni blâme ni louange, ni punition ni récompense.

Cet objet si important des mœurs n'intéresse pas moins la religion que l'État. Les religions chrétiennes, la juive, la mahométane et la chinoise ont à peu près la même morale. La religion chrétienne, accréditée depuis longtemps, a cependant encore deux sortes d'ennemis à combattre. Les uns sont de ces philosophes qui, n'admettant que le bon sens et des raisonnements rigoureusement exacts selon les principes de la logique, rejettent les idées et les systèmes qui ne se trouvent pas conformes aux règles de la dialectique; nous ne parlons pas actuellement de ceux-là. Les autres sont des libertins dont les mœurs corrompues par une longue habitude du vice se révoltent contre la dureté du joug que la religion veut imposer à leurs passions; ils re-