<97>ressorts de l'amour-propre, ramener tous les avantages des bonnes actions à celui qui en est l'auteur, c'est le moyen de faire de ce ressort du bien et du mal l'agent principal du mérite et de la vertu.
Je ne puis m'empêcher d'avouer à notre honte qu'on s'aperçoit dans ce siècle d'un refroidissement étrange pour ce qui concerne la réforme du cœur humain et des mœurs. On dit publiquement, on imprime même que la morale est autant ennuyeuse qu'inutile; on soutient que la nature de l'homme est un composé de bien et de mal, que l'on ne change point cet être, que les plus fortes raisons cèdent à la violence des passions, et qu'il faut laisser aller le monde comme il va.
Mais si l'on en usait ainsi à l'égard de la terre, si on ne la cultivait pas, elle porterait sans doute des ronces et des épines, et jamais elle ne donnerait ces abondantes moissons si utiles et qui nous servent d'aliments. J'avoue, quelque attention que l'on porte à corriger les mœurs, qu'il y aura toujours des vices et des crimes sur la terre; mais il y en aura moins, et c'est beaucoup gagner : il y aura, de plus, des esprits rectifiés et développés, qui excelleront par leurs éminentes qualités. N'a-t-on pas vu sortir des écoles des philosophes des âmes sublimes, des hommes presque divins, qui ont poussé la vertu aux plus hauts degrés de perfection où l'humanité puisse atteindre? Les noms des Socrate, des Aristide, des Caton, des Brutus, des Antonin, des Marc-Aurèle subsisteront dans les annales du genre humain, tant qu'il restera des âmes vertueuses dans le monde. La religion n'a pas laissé de produire quelques hommes éminents, qui ont excellé par l'humanité et la bienfaisance. Je ne compte pas de ce nombre ces reclus atrabilaires et fanatiques qui ont enseveli dans des cachots religieux des vertus qui pouvaient devenir utiles à leur prochain, et qui ont mieux aimé vivre à la charge de la société que de la servir.
Il faudrait commencer aujourd'hui par imiter l'exemple des anciens, employer tous les encouragements qui peuvent rendre l'espèce humaine meilleure, préférer dans les écoles l'étude de la morale à toute autre connaissance, prendre une méthode aisée pour l'enseigner. Peut-être ne serait-ce pas un petit acheminement à ce but que de composer des catéchismes où les enfants apprendraient, dès leur plus tendre jeunesse, que pour être