19. AU CONSEILLER PRIVÉ DES FINANCES DE BORCKE A VIENNE.
Berlin, 28 juin 1740.
L'envoi de troupes impériales dans l'île de Corse cache sans doute quelque mystère, et peut-être l'exécution prochaine d'un dessein dont les cours de Vienne et de Versailles sont convenues ensemble.
On débite qu'on veut donner la Corse au grand-duc de Toscane avec le titre de roi, et qu'en échange l'Empereur assurera à l'infant Don Philippe la succession aux duchés de Parme et de Plaisance.
Cet arrangement paraît à la vérité assez problématique, mais quoi qu'il en soit, les Génois pourront toujours compterque la Corse leur sera enlevée, et que la France et l'Espagne en disposeront à leur gré sous l'approbation de l'Empereur, qui selon toute apparence y consentira d'autant plus volontiers qu'il n'est guère en état de s'y pouvoir opposer.
P.S.
Ce qui se passe présentement entre la cour impériale et l'électeur de Bavière, selon le contenu de votre post-scriptum 2 du 18 du courant, <14>prouve assez qu'on ne s'est point du tout trompé, si l'on a cru jusqu'ici qu'il n'y aurait jamais une sincère amitié, et bien moins encore une parfaite harmonie et bonne intelligence entre ladite cour impériale et celle de Munich; aussi les prétentions de l'électeur de Bavière sont si grandes et ses vues si vastes et en même tempssi fort opposées aux intérêts de la maison d'Autriche et du grand-duc de Toscane, que la haine et la jalousie ne cesseront jamais entre eux, à moins que le bon Dieu ne veuille faire un miracle tout exprès pour cet effet. Cependant, vous ne manquerez pas de ménager votre commerce avec le comte de Perusa d'une façon que personne et bien moins encore les ministres impériaux n'en puissent tirer de fâcheuses conséquences, quoique ce ne serait que sans raison et fondement, puisque je n'aiaucune liaison avec l'électeur de Bavière, et n'ai non plus nulle envie d'en contracter avec lui, surtout de celles qui pourraient ombrager la cour impériale.
Federic.
A. B. Borcke. H. de Podewils.
Nach der Ausfertigung.