164. AU CHANCELIER DE RAESFELD A LA HAYE.

Berlin, 19 novembre 1740.

J'ai vu par votre dépêche du 11 de ce mois l'entretien que vous avez eu avec le sieur Trevor, et ce qu'il vous a dit des sentiments du Roi son maître touchant l'empressement qu'il témoigne d'entrer immédiate<109>ment en négociation avec moi, pour concerter les mesures nécessaires et convenables dans les conjoncturesprésentes à nos intérêts réciproques.

Vous pouvez assurer ce ministre que mes intentions sont toujours les mêmes que vous avez été chargé de lui témoigner déjà, et que je ne demande pas mieux que d'entrer dans des liaisons les plus étroites avec le roi de la Grande-Bretagne, à qui je m'ouvrirai en peu sur mes véritablessentiments par rapport aux affaires présentes et sur le parti à prendre dans la situation critique où l'on se trouve.

En attendant, on fera bien, de part et d'autre, de presser l'État de prendre des mesures vigoureuses, et d'augmenter considérablement ses forces de mer et de terre, ce que vous ferez de votre côté de bouche seulement, et avec tant de circonspection que cela ne puisse point donner de l'ombrage au marquis de Fénelon.

Il faudra insinuer aussi adroitement aux ministres de l'État qu'on ne doit point se fier aux apparences trompeuses de la modération affectée avec laquelle on s'explique en France sur la garantie de la Sanction Pragmatique, puisqu'il est très certain que le France ne tient ce langage pacifique que pour mieux endormir les autres et cacher ses véritables vues, à moins qu'elle ne soit secrètement convenue avec la cour de Vienne du sacrifice que celle-ci lui doit faire, ce qui, selon moi, serait tout ce qui pourrait arriver du plus funeste au salut de l'Europe et surtout aux Puissances maritimes; car de croire que la France, par un simple motif de générosité, veuille soutenir et conserver le reste de la maisond'Autriche — il faudrait connaître bien mal l'esprit de cette couronne, si on s'y laissait prendre, et on peut compter que la maison d'Autriche n'en sera jamais quitte, à moins qu'elle ne fasse quelque sacrifice, soit pour l'un ou pour l'autre qui doit la soutenir. C'est à l'Angleterre et à l'État à s'examiner s'il leur convient que ce sacrifice se fasse en faveur de la France, et que la dernière grande liaison entre les maisons d'Autriche et de Bourbon se perpétue de nouveau.

Federic.

H. de Podewils.

Nach dem Concept.