557. A L'ÉLECTEUR DE BAVIÈRE.
Camp de Lauchnitz377-2 auprès de Zülz, 14 octobre 1741.
Monsieur mon Cousin. J'ai eu le plaisir de recevoir deux lettres que Votre Altesse Électorale a eu la bonté de m'écrire à la fois, par les courriers du comte Torring et de Schmettau. Je manque de termes pour répondre à toutes les choses obligeantes qu'il plaît à Votre Altesse Électorale de m'y dire; je puis L'assurer en attendant que rien ne peut augmenter l'estime et l'attachement que j'ai pour Sa personne.
Je suis fâché de ne savoir Votre Altesse Électorale avancée que jusqu'à Ybbs; je prévois et je crains qu'en allant si lentement, Elle ne parviendra pas à l'exécution de Ses projets aussi promptement qu'il serait à désirer.
Quant à ce qui me regarde, j'ai informé Votre Altesse Électorale que j'avais passé la Neisse; et comme il m'a fallu établir des magasins à Oppeln et Krappitz, villes où les ennemis avaient garnison, le temps qu'a consumé cette petite expédition, joint aux transports de farine, m'a arrêté jusqu'à présent, mais dans deux jours que mes cuissons seront arrangées, je partirai d'ici pour donner à M. de Neipperg des jalousies sur la Moravie, où il a ses magasins. S'il prend le parti de couvrir la Moravie, je le couperai de Neisse et en ferai le siége incontinent; s'il prend celui de défendre la ville de Neisse, j'entrerai en Moravie, et le couperai par cette marche de Vienne, de ses vivres et de toute communication; si je le rencontre en mon chemin, je le battrai, mais s'il me devance en Moravie, il ne dépend pas de moi de le suivre, par deux très fortes raisons: puisque les gorges des montagnes par lesquelles M. de Neipperg doit faire sa retraite, sont de nature qu'avec peu de monde il peut en défendre le débouché à toute une armée; mais supposé qu'on trouvât le moyen de le forcer dans ces défilés, je ne pourrais aucunement profiter de cet avantage, puisque je ne puis mener que pour six jouis de pain avec moi, que mes magasins sont sur l'Oder, que les montagnes en sont éloignées de huit lieues, que je ne saurais compter sur le magasin d'Olmütz, si l'ennemi me devance, et que, par conséquent, cette imprudente démarche risquerait le salut de toute mon armée, sans que je puisse prévoir le fruit qui en reviendrait.
<378>Votre Altesse Électorale voit par toutes ces raisons que mes opérations sont subordonnées au parti que prendra l'ennemi, que la nature du pays gêne mes desseins, que l'article de vivres m'arrête très souvent, et qu'après tout une campagne de onze mois doit être suffisante pour une armée qui, sortie de la mollesse et de l'inaction d'une longue paix, débute par là.
J'espère de pouvoir féliciter bientôt Votre Altesse Électorale sur les prises de Vienne et de Prague, sur l'heureux succès de Ses armes, aux-quelles je prendrai toujours la plus grande part, et sur l'élection unanime du plus digne Empereur qu'ait eu notre patrie depuis Charlemagne.
Je suis avec les sentiments de la plus haute considération et de la plus parfaite estime, Monsieur mon Cousin, de Votre Altesse Électorale, le très fidèle ami et cousin
Federic.
Nach der Ausfertigung im Königl. Hausarchiv zu Berlin. Eigenhändig.
377-2 Sic. Vielleicht Loncznik.