596. AU MARÉCHAL DE FRANCE COMTE DE BELLE-ISLE A SAINT-HUBERTSBOURG.

Berlin, 21 novembre 1741.

Mon cher Maréchal. Je viens de recevoir à la fois vos lettres du 9 et du 15, avec celle du 20 de mois, et y ayant vu ce qu'il vous plaît de me marquer touchant les quartiers d'hiver qu'une partie de mes troupes ont pris en Bohême, j'ai l'honneur de vous dire que je compte le royaume de Bohême pour cinq quartiers, c'est-à-dire, le pays pour quatre, et la ville de Prague pour la cinquième partie. De ces quartiers, mes troupes en Bohême n'occupent qu'une partie du cercle de Königgrätz, le cercle de Boleslav et la moitié du cercle de Leitmeritz, et de tous ces cercles rien de plus que jusqu'à la rive occidentale de l'Elbe, ce qui, avec les contrées de la comté de Glatz, selon mon calcul, ferait à peu près la cinquième partie de la Bohême. Il en reste donc deux parties pour les troupes françaises, plus fortes en nombre que les autres, une partie pour le? troupes bavaroises, et une pour celles de Saxe.

De cette cinquième partie que mes troupes ont occupée, d'abord qu'elles sont entrées en Bohême, et dont elles sont actuellement en possession, je ne saurais nullement départir sans leur ôter la subsistance, et je crois que mes troupes ont assez opéré pour la cause commune, pour avoir mérité des quartiers d'hiver. Aussi suis-je persuadé qu'elles n'ôteront point par là la subsistance des troupes alliées, celles-ci ayant à leur disposition tout le reste de la Bohême et toute la subsistance qu'on puisse désirer, surtout si, comme j'espère, après la prise de Prague elles marchent vers la Moravie pour s'y étendre. Ainsi, Monsieur, je suis persuadé que vous trouverez raisonnable tout ce que je viens de vous mander à ce sujet. Quant aux opérations, les services que je rendrai avec mes troupes au printemps qui vient, récompenseront certainement l'électeur de Bavière, et quelque intéressant que ce soit, du prétendu dommage qu'elles doivent avoir fait, selon ce que vous supposez. Mais, en gros et en général, je ne puis point me laisser prescrire des lois pour les quartiers d'hiver, et je suis très résolu de m'y maintenir. Aussi, si M. de Neipperg voulait s'y loger ou s'approcher de trop près, il trouverait à qui parler, et il doit assez connaître mes troupes pour savoir qu'elles ne perdent point les postes qu'elles ont occupés une fois. Mais, si en revanche M. de Neipperg ne fait point de mouvements pour <410>s'approcher de mes quartiers, je ne vois point par quelle raison je devrais troubler le repos de mes troupes dans leurs quartiers d'hiver, et je les y laisserai paisiblement.

Quant au régiment de hussards de Bronikowski, je donnerai des ordres au prince Léopold d'Anhalt pour que vous en puissiez disposer selon votre bon plaisir, mais je vous prie pourtant, Monsieur, de ne pas vous en servir en petits détachements, mais toujours avec un corps proportionné aux forces des ennemis, sans quoi ils seraient ruinés totalement. Touchant vos opérations, mon petit sentiment est que, la ville de Prague prise, l'électeur de Bavière ne pourrait prendre un meilleur parti que de se porter avec toutes ses forces vers la Moravie et même vers l'Autriche de nouveau, et y prendre, conjointement avec la Bohême, ses quartiers d'hiver. Après cela, nous pourrions concerter ensemble comment ouvrir la campagne de l'année qui vient, à la fin du mars, ou, tout au plus tard, au commencement d'avril, et vous me ferez un grand plaisir, Monsieur, si vous vouliez me mander votre préavis là-dessus, pour que je puisse faire les arrangements de mes magasins; et rien ensuite nous empêchera d'agir alors avec toute la vigueur possible.

Je vous prie, au reste, d'être persuadé de l'estimé infinie et de la considération avec laquelle je suis etc.

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.