6125. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A VIENNE.
Potsdam, 3 décembre 1753.
J'ai bien reçu votre rapport du 24 du mois passé dernier. Je doute fort que l'avis qu'ont eu mes ministres du département des affaires étrangères et dont ils vous ont fait part relativement aux démonstrations de la France vers les frontières du Pays-Bas,1 soit bien fondé; au moins, ce que j'ai de rapports de France jusqu'à présent, n'en fait pas la moindre mention. Et, quoiqu'en Angleterre l'ambassadeur de France, le duc de Mirepoix, ait dit, il y a quelque temps,2 par manière de conversation au duc de Newcastle que, si la Russie faisait marcher nombre de troupes en Livonie, le Roi son maître le ferait également aux Pays-Bas, il a avoué cependant, après, que ce qu'il avait dit làdessus, n'était que sorti de sa tête, sans avoir des ordres exprès de sa cour à ce sujet.
Comme il me semble de m'apercevoir par vos dépêches que vous mettez en doute encore la réalité de la marche des troupes russes en Livonie, je [veux bien] vous faire observer que vous ne devez avoir le moindre doute sur tout ce que je vous avais communiqué, il y a quelques mois,3 moyennant ce précis de la négociation du ministre Guy Dickens à Londres que je vous envoyais par un exprès, et je vous garantis toutes les circonstances qui y sont marquées, pour authentiques et réelles, et de sorte que je puis vous y renvoyer hardiment encore aujourd'hui. Je viens encore de recevoir la liste de la dislocation de l'armée de Russie4 publiée depuis peu et de leurs quartiers d'hiver de l'année 1753, que je communiquerais in extenso, si la sûreté des postes le permettait, mais en conséquence de laquelle il y a des quartiers d'hiver assignés en Livonie, en Esthonie et en Courlande, trois régiments de cuirassiers, deux de dragons, vingt et trois d'infanterie, deux de hussards et un de Cosaques, outre quatre mille Cosaques du Don, sans compter les quartiers dans le district de Pétersbourg, où on en a assignés pour quinze régiments d'infanterie et trois de dragons. L'on compte ordinairement chaque régiment de cavalerie, l'un portant l'autre, de mille têtes, et un régiment d'infanterie de trois bataillons, chacun de 600 têtes. Quoique ces régiments ne soient pas entrés effectivement dans leurs quartiers d'hiver, et qu'il y en ait beaucoup en arrière encore dans les provinces intérieures de la Russie, parceque la Russie n'a point pu convenir encore avec l'Angleterre du nombre des subsides, circonstance sur laquelle vous ne devez point douter, il faut cependant croire que, si l'Angleterre leur eût accordé les subsides, ce qu'elle ne saura faire cependant avant que le nouveau Parlement ne soit mis en activité, il pourrait bien arriver que la Russie assemblât un corps assez
1 Vergl. S. 159.
2 Vergl. S. 149.
3 Vergl. S. 26.
4 Vergl. S. 161. 171.