6366. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.
Magdebourg, 11 juin 1754.
J'ai bien reçu, Milord, toutes les dépêches que vous m'avez faites du 31 dernier et du 3 de ce mois, avec celles que vous y avez jointes de la part du sieur de Knyphausen.
Comme il m'est entré en attendant des précis bien intéressants et authentiques par un très bon canal concernant la négociation des subsides pécuniaires que le sieur Guy Dickens a traitée jusqu'à présent avec les ministres de Russie à Moscou, j'ai bien voulu vous envoyer ci-clos des copies très fidèles du contre-projet que les ministres de Russie ont présenté, dans une conférence tenue à ce sujet avec le sieur Guy Dickens, comme l'ultimatum de l'Impératrice, auquel je fais joindre un promemoria comprenant le précis de ce qui s'est passé sur ce sujet.
Mon intention est que vous devez d'abord chercher l'occasion d'avoir une conférence secrète avec M. de Saint-Contest et de lui communiquer alors, après avoir tiré de lui les assurances qu'il me garderait le secret le plus religieux envers qui que ce soit de cette confidence, les pièces susdites, que vous lui laisserez lire tout à son aise et même relire, autant de fois qu'il le désirera, en votre présence, sans cependant les laisser après entre ses mains, ni permettre qu'il en tire copie ou extrait, uniquement par des raisons indispensables qui m'y obligent pour ne point hasarder un canal qui pourra toujours m'être utile pour communiquer à la France des découvertes de la dernière importance. Vous lui direz d'ailleurs que, comme il s'en apercevrait que, [vu] la somme des subsides que la Russie exigeait en ultimatum de l'Angleterre, et que celle-ci ne voudrait apparemment point lui accorder, je croyais avoir tout lieu de me flatter que cette négociation, sur laquelle la cour de Vienne avait mis tout son espoir pour parvenir à ses vues et ses grands projets, échouerait et irait en fumée.
Après vous être acquitté de cette commission et repris les pièces en question, ma volonté est que, pour n'avoir rien plus à craindre, pour l'avenir, du secret de ces confidences, tout comme de celles par rapport aux autres pièces relatives à cette négociation et que vous avez gardées, en conséquence de mes ordres précédents, sous votre clef, vous devez les brûler toutes ensemble par vos propres mains, de sorte qu'il n'en reste aucune entre vos papiers après votre départ de Paris; circonstance que je trouve absolument nécessaire pour me rassurer sur le secret.
Au reste, je serais bien aise que vous me fassiez votre rapport, par le même exprès qui vous portera cette dépêche, sur tout ce que M. de Saint-Contest vous a répondu à ce sujet.
Federic.