6217. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.

Potsdam, 19 février 1754.

Je vous fais la présente pour vous dire dans le plus grand secret qu'il nous est arrivé ici depuis peu de jours à l'incognito un certain baron de Leutrum, ci-devant capitaine de cavalerie en mon service, à présent colonel au service de Russie, qui m'a fait connaître dans la dernière confidence qu'étant chargé de diverses commissions en Allemagne et en France immédiatement de la part de l'Impératrice, il y avait entre autres celle de faire entendre ici et en France que, par des raisons particulières, et principalement parceque l'Impératrice ne saurait plus voir tranquillement le pouvoir despotique que les ministres autrichiens à sa cour prétendaient y exercer, elle saurait bien changer de système et renouer avec la France et avec moi, pourvu que nous nous prenions avec quelque adresse, afin de faire réussir ce dessein. Quoique cet émissaire n'ait été point pourvu de quelque plein-pouvoir par écrit, ni de quelque autre lettre, et qu'il ait dit que ses ordres ne portaient que de nous annoncer secrètement ce dessein et qu'il passerait en conséquence en France, prenant sa route par Manheim, afin de voir et parler secrètement à quelqu'un des ministres de France sur le même propos, j'ai néanmoins bien voulu vous en avertir, afin que vous cherchiez l'occasion pour prévenir M. de Contest à ce sujet, après l'avoir conjuré de vouloir bien me garder le secret le plus absolu là-dessus.

Vous ajouterez que, quoique je ne comptais absolument sur ce que cet émissaire nous annonçait, il me paraissait cependant qu'on ferait bien de l'entendre et de le payer au moins de paroles honnêtes et de propos vagues, tout comme j'ai fait ici, en l'assurant, au reste, du secret inviolable qu'on lui garderait sur sa commission. J'attends à son temps votre rapport sur tout ce qui se sera passé à cet égard.

Federic.

Nach dem Concept.

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