6272. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A VIENNE.
Potsdam, 30 mars 1754.
Malgré les apparences que vous croyez avoir comme s'il s'agissait dans les fréquentes conférences du comte Kaunitz avec le comte Flemming et les ministres de Russie et d'Angleterre d'un mariage de l'Archiduchesse aînée avec le prince Xavier, en faveur duquel on destinait ce Prince pour successeur au trône de Pologne après la mort du Roi son père,283-1 je suis nonobstant cela de l'opinion, et des avis de fort bonnes mains m'y confirment, que toutes les susdites conférences ne roulent que sur la négociation de subsides avec la Russie, et qu'il n'est nullement question encore d'un concert relativement à la succession de Pologne; tout au contraire, la cour de Vienne est du sentiment, comme je le sais par un bon canal, que, comme elle et ses alliés étaient maintenant trop occupés par d'autres affaires importantes, comme celle de l'élection d'un roi des Romains et celle de la négociation de subsides de la Russie, ladite cour ne voulût pas embrasser trop d'objets à la fois, de peur qu'on ne puisse agir en tout également avec vigueur; mais, quand on aurait vu l'issue de ces affaires, on pourrait s'expliquer sur celles de Pologne, et comme l'on se flattait que les affaires actuellement sur le tapis auraient un bon succès, la Saxe [ne] devrait, en attendant, qu'affermir et agrandir son parti dans le royaume de Pologne. Je sais que le comte de Kaunitz s'est expliqué de la sorte à un de ses amis les plus confidents.
Au surplus, j'apprends que ce ministre songe de faire rappeler le comte Sternberg de la cour de Dresde, et que peut-être ce rappel ne sera guère éloigné. Comme je pense que le comte Kaunitz ne voudra employer à l'avenir que des ministres qui ne fussent point du système et de l'école du baron de Bartenstein, je souhaiterais bien que vous prêtiez attention, cependant sans vous faire remarquer, sur le changement et que vous me nommiez ceux qui pourraient être les premiers employés comme ministres impériaux dans l'étranger, en me faisant en même temps leur caractère, et quelles gens ce sont.
Observez de me garder bien le secret sur tout ce que dessus et de continuer à veiller de bien près sur toutes les vues et tous arrangements de la cour où vous vous trouvez.
Quant à la [nouvelle] sur l'état actuel de Russie qui, en conséquence du post-scriptum de votre dernier rapport, vous est parvenue,<284> j'observe qu'il y a des choses vraies et fausses. Ce qu'on y dit de la confusion et de l'irrésolution qui règne dans les affaires qui s'y traitent, du militaire négligé et de la vanité de la nation, est tout-à-fait conforme à la vérité, mais il s'en faut beaucoup que les comtes de Bestushew et Woronzow soient réconciliés et dans une étroite intelligence, vu que je sais le contraire, et que l'un ne fait que de contrarier l'autre sous main. Je doute encore de ce qu'on y dit de la grossesse de la Grande - Duchesse.
Au reste, supposé que, malgré toute vraisemblance et les raisons que je vous ai ci-dessus alléguées, il y eût quelque chose sur le tapis relativement à un mariage à concerter entre l'Archiduchesse aînée et le prince Xavier, je ne laisserai pas de vous en informer bientôt, par les soins que je me donnerai afin d'en être éclairci.
Federic.
Nach dem Concept.
283-1 Vergl. S. 277.