6286. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A VIENNE.

Potsdam, 9 avril 1754.

Pour vous répondre sur votre rapport du 30 dernier, je commencerai par vous informer de ce que j'ai eu de nouvelles d'Angleterre en dernier lieu. Elles m'apprennent que la fermentation qu'il y a eu entre les chefs du gouvernement par rapport à la nouvelle forme à donner à l'administration, après la mort du sieur Pelham, est entièrement dissippée, et que tout a été réglé à l'entière satisfaction du duc de Newcastle; mais l'on me fait observer en même temps qu'il ne fallait point présumer que cette administration ait de longtemps la consistance que du temps du sieur Pelham et qu'elle y parvienne jamais; que ce serait se faire illusion que de penser que, quand même le duc de Newcastle se trouvait à la tête des finances et sur le pied de premier ministre, il ouvrirait facilement les cordons de la bourse et donnerait aveuglément dans tous les projets de subsides que les Autrichiens et leurs alliés sauraient lui fournir. Qu'il avait un point de vue plus essentiel à remplir, savoir de lier sa partie solidement et de bien s'assurer de l'élection du nouveau Parlement, tout comme d'en essayer les forces, avant que de penser à aucun chipotage pécunieux; que, de plus, la nature de son nouvel emploi exigeait en elle-même plus de précaution vis-à-vis de la nation que par le passé; qu'il pouvait comme secrétaire d'État s'avancer plus en avant envers les cours étrangères qu'il ne saurait le faire comme chef des finances, et qu'il aurait trop de prudence et assez à cœur ses propres intérêts pour ne pas s'embarquer dans des engagements que le caprice de son maître et les insinuations artificieuses de la cour de Vienne pourraient lui suggérer. Que, si les Autrichiens ou d'autres s'étaient flattés que, depuis que le duc de Newcastle était parvenu à la tête des finances, il leur tiendrait facilement la bourse ouverte, ils s'en désabuseraient par ce qui venait de passer avec le comte de Haslang, qui, après avoir communiqué au susdit ministre les arrangements pris de sa cour pour s'accommoder avec celle de Vienne et de ce que l'électeur de Cologne demandait pour sa satisfaction, et qu'il avait sondé en conséquence le duc de Newcastle pour savoir qu'est-ce que la cour de Londres voudrait faire, en cas que celle de Vienne ne voulût pas<294> payer les sommes en question, ce premier ministre n'avait pas tardé de lui donner à connaître tout de suite que sa cour ignorait encore de quelle façon le baron de Beckers avait repris sa négociation à Vienne, mais que, si l'on se flattait que l'Angleterre donnerait quelque chose au-delà des 600,000 florins promis pour l'accommodement de l'Électeur palatin, on se tromperait fort, d'autant qu'on y était bien résolu de ne pas donner un sol davantage, ni pour cette affaire ni pour l'élection d'un roi des Romains en général. Au reste, ce que mes lettres cidessus mentionnées m'assurent positivement, c'est que de quelque façon que le susdit premier ministre pense, il ne saurait rien chipoter sur des négociations subsidiaires que vers le mois de novembre prochain, et après que l'on serait bien assuré de la présente administration et des forces que la cour aurait dans le nouveau Parlement, que jusqu'à ce temps-là ces gens-là ne sauraient prendre aucune résolution importante à moins d'évènement extraordinaire et d'objets nationaux; qu'aussi la principale attention des ministres anglais continuait d'être fixée sur les affaires intérieures, qui cependant parraissaient prendre une bonne tournure en faveur de la nouvelle administration.

Toutes ces circonstances font que je commence à croire que, si même la cour de Vienne avec la Russie avaient de mauvais desseins, qu'elles voudraient mettre en exécution, elles ne sauront point les réaliser cette année-ci, faute que l'Angleterre ne saurait pas y concourir; je présume même que l'élection d'un roi des Romains pourrait bien rester suspendue pendant le courant de cette année. Mais, quand je considère, d'un autre côté, ce que vous me confirmez par votre dépêche des arrangements militaires de la cour où vous êtes, des dépenses qu'on met en avance pour le campement à former en Bohême, des conférences sans fin entre les ministres de même qu'entre le marquis de Botta et le comte de Neipperg, avec d'autres circonstances, je souhaiterais fort que vous appliquassiez tous vos soins et tout votre savoir-faire afin de percer ce mystère et de me faire parvenir ce rapport que vous m'avez fait espérer par le post-scriptum de votre rapport antérieur à celui-ci.

Federic.

Nach dem Concept.