6321. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A VIENNE.

Potsdam, 6 mai 1754.

Le rapport que vous m'avez fait du 29 d'avril passé, m'a été fidèlement rendu. Il faut que ce soient des gens ou bien mal informés ou très malicieux qui ont donné l'occasion aux bruits qu'on a relevés à Vienne touchant le pont que j'avais fait jeter à Marienwerder sur la Vistule et la tête de pont que je faisais construire sur le terrain de la Pologne. L'un et l'autre est également faux, car je ne connais aucune tête de pont que je faisais construire, et d'ailleurs quelques digues que je fais faire sur mon territoire du côté de Marienwerder pour couvrir le pays contre les inondations de la Vistule, dont les rives de ce côté avec la moitié de la rivière sont de mon territoire, selon les conventions faites avec la République depuis bien d'années, et d'ailleurs quelques prames que je fais construire là pour la commodité du passage et du commerce à Marienwerder, ont donné lieu à quelques têtes écervelées d'en soupçonner du mystère et de grands desseins. Quant à l'autre affaire touchant la prétendue prise de possession des trois villages polonais,317-3 elle est, à ce que je vois, également débitée tout à<318> travers et faussement, et pour vous mettre au fait de ce qui en est, j'ai ordonné à mes ministres de vous faire parvenir à cette ordinaire un détail bien exact de ce qui s'est passé à cet égard, afin que vous puissiez rectifier tout le monde qui vous en parlera. Enfin, j'ai la satisfaction de n'avoir à démêler avec la république de Pologne aucune affaire d'importance, ce qui opère apparemment la rage de ceux qui par des mensonges ci-dessus dits voudraient se soulager de leur bile.

Au surplus, ce qui m'importe plus que tout ce que dessus, c'est un avis que le général Treskow m'a donné à l'ordinaire dernier, qu'il avait parlé à des gens qui prétendent avoir vu passer eux-mêmes plusieurs régiments autrichiens venants de Hongrie et allants en Bohême et en Moravie; qu'ils avaient vu passer entre autres à Nicolsbourg trois régiments nationaux de Hongrie, qui avaient dit qu'ils seraient suivis d'autres régiments de cavalerie et de dragons, comme aussi de Pandours et de hussards. J'ai bien voulu vous avertir de ces avis-là, qui, quand ils se confirment, méritent sûrement une fort grande attention, ce que je vous recommande fort, et d'en prendre d'abord d'exactes informations, afin de pouvoir m'en informer, au plus tôt et même par un exprès, si tant est que ces avis se vérifient. Pour finir, je ne saurais assez vous recommander de veiller extrêmement dans le moment présent sur la conduite de la cour de Vienne qui voudra masquer ses desseins, mais qui, à ce que je crois, vous trompera bien difficilement ni ne vous fera donner le change, soit par les apparences du dehors, soit par de fausses confidences.

Federic.

Nach dem Concept.



317-3 Vergl. Nr. 6320.