6330. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION JEAN-DIDIER DE MALTZAHN A LEIPZIG.
Potsdam, 11 mai 1754.
J'ai reçu votre rapport du 4 de ce mois. Il serait bien à souhaiter que M. Desalleurs pût heureusement tirer parti des inquiétudes de la Porte des fortifications des Russes sur les territoires usurpés sur la Pologne, et la lettre aussi verte que bien écrite du Grand-Général de la Couronne326-4 au premier ministre de Saxe me fait augurer qu'il ne coûtera pas beaucoup de peine à disposer le Grand-Général d'entrer dans les vues de M. Desalleurs. Le coup serait d'autant plus important que j'apprends par de bonnes lettres d'un lieu bien sûr326-5 que les Russes et les Turcs étaient actuellement en explication sur les limites et les nouvelles fortifications de l'Ukraine, que les premiers filaient doux en apparence, mais qu'ils voudraient gagner du temps et les achever; que les<327> Turcs marquaient un peu d'humeur et de l'inquiétude, mais dissimuleraient, autant qu'ils pourraient, le Sultan, par sa position particulière, ne voulant faire la guerre qu'à l'extrémité; que le khan des Tartares,327-1 chargé des pouvoirs de la Porte, devait s'ajuster avec le général russe de la frontière; qu'il y avait lieu de croire qu'à moins de quelque nouvel évènement, l'un et l'autre se relâchant de quelque chose par politique et par ordre, la conciliation se ferait, mais qu'elle ne serait que plâtrée et de peu de durée; que, quant à la cour de Vienne, elle ne désirait pour le présent encore que la continuation de la paix avec les Turcs, que ladite cour ne fut point intentionnée de la faire à présent de cette côté-là, et si les Turcs ne la commençaient; qu'à ce sujet la cour de Vienne ne laissait passer aucune occasion de témoigner toute sorte d'attention pour éviter de causer le moindre sujet de plainte à la Porte, sentant trop bien combien une guerre avec les Turcs dérangerait tous ses vastes desseins et lui deviendrait fatale.
Quant au plan général à former avec M. de Broglie pour les afffaires de Pologne, il faudra voir comment vous en conviendrez avec lui, et pour ce qui regarde les passe-ports que la cour de Dresde me demandera pour chaque envoi de monnaies en Pologne327-2 — supposé que je les refuserais, elle s'en trouverait, je crois, bien embarrassée, vu le grand détour qu'elle serait obligée de faire faire en prenant le passage par la Bohême, ce qui diminuerait considérablement le profit qu'elle retire de cette monnaie, et qu'elle ne saurait jamais faire ces transports sans les faire escorter.
Federic.
Nach dem Concept.
326-4 Branicki.
326-5 Vergl. Nr. 6329.
327-1 Aslan Ghirey.
327-2 Vergl. S. 310.