6347. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.

[Potsdam], 28 [mai 1754].

Je vous avoue, mon cher Milord, que votre lettre du 10 du mois m'a paru un peu énigmatique; il est bien difficile de comprendre des choses dont on n'est pas au fait, toutefois je suis bien aise de vous savoir hors d'embarras, sans savoir en quoi cet embarras a consisté.

Je n'ai jamais entendu nommer le sieur Gceuring dont vous me parlez, je devine bien moins comment il peut avoir besoin de moi; cependant, je m'en chargerai volontiers sur votre recommandation, dût-il m'être inutile au demeurant. Votre lettre m'a trouvé au milieu de mes<339> occupations militaires. Le comte de Gisors339-1 en a été; La Touche l'a fait veiller la nuit, et les manœuvres l'ont fait sortir de bonne heure, de sorte que ce jeune homme aurait risqué de gagner une fièvre chaude : en qualité d'ami du père, j'y ai mis le holà et je l'ai forcé à prendre du sommeil. J'ai pris un lucide intervalle pour vous écrire; je pars vendredi339-2 pour la Poméranie, le 11 pour Magdebourg, et de là j'ai encore une petite tournée à faire.339-3

J'ai vu des lettres de l'Alsace qui ne sont remplies que des tracasseries de Voltaire avec les Jésuites; je ne sais pas si cette société souffrira aussi patiemment que moi les folies et les tours que lui fait le poète. A vue de pays, il pourra en être mauvais marchand, mais ce sont ses affaires, et, Dieu merci, je n'ai plus rien à démêler avec lui.

Je compte que vous aurez à présent reçu toutes mes lettres, tant sur d'Alembert que sur la chose qui vous tient à cœur; je ne vous ai que trop bien servi, mon cher Milord, et je sens que la politique fait quelques reproches à l'amitié de ce que la dernière a travaillé au préjudice de la première; mais vous m'avez séduit, et le plaisir de vous revoir m'a fait passer sur des considérations plus essentielles. Adieu, mon cher Milord, je ne compte pas de pouvoir vous écrire avant la fin du mois, cependant mon silence ne diminuera rien à l'amitié et à l'estime que j'ai pour vous, c'est de quoi je vous prie d'être persuadé.

Fr.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig. In dorso von der Hand des Empfängers: „Du Roy 28 mai 1754.“



339-1 Vergl. S. 336.

339-2 31. Mai.

339-3 Nach Baireuth. Vergl. S. 365.