6399. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A VIENNE.

Potsdam, 22 juillet 1754.

Je conviens à ce que vous dites qu'on ne saurait pas compter tout-à-fait sur les sentiments pacifiques que l'Angleterre fait apercevoir dans le moment présent.379-2 Vous avez vu par une de mes lettres antérieures379-3 combien peu je compte sur la constance des sentiments d'une nation qui est très sujette d'en changer et de donner souvent par en<380>thousiasme de blanc en noir. Cependant jusqu'à présent, mes lettres de Londres continuent de m'assurer le plus positivement que, si la Russie continuait de s'en tenir à ses demandes, on pourrait tabler que le mi nistère anglais persévèrerait aussi de son côté dans sa façon de penser et s'y tiendrait constamment, à moins qu'il ne survienne des événements non prévus.

Quant au courrier que vous mandez être arrivé depuis peu au sieur Keith, mes lettres susdites m'en préviennent, en me marquant que, depuis le départ de Londres de celui-ci, il y était arrivé un de ce ministre, et un autre encore au comte Colloredo; que, si l'on devait s'en rapporter aux apparences, on aurait tout droit de présumer qu'il était question de quelques nouveaux chipotages, que pourtant il n'en était rien et que le courrier qu'on avait dépêché au sieur Keith, n'était chargé que de lui porter des dépêches sur l'affaire de la Barrière,380-1 dont la cour de Vienne avait communiqué la situation à celle de Londres, et qu'on y avait répondu en donnant ordre à Keith de conseiller aux ministres autrichiens de s'arranger avec les Hollandais sur ce sujet, et en ne lui cachant pas que l'on trouvait à Londres ces derniers plus fondés dans la conduite qu'ils tenaient dans cette occasion qu'on ne le pensait à Vienne; qu'on n'offrait, au surplus, aucun contingent pour cette affaire et se retranchait toujours sur la nécessité qu'il y avait de ménager les deniers de la nation à moins de circonstances plus pressantes. Que les dépêches sus-dessus mentionnées des deux autres ministres roulaient de même sur l'affaire de la Barrière, le but de la cour de Vienne, en en parlant, étant toujours d'inspirer de la générosité au ministère anglais là-dessus et de n'y mettre que très peu du sien; mais que les derniers restaient fixes dans leur système, qu'on ne voulait point ouvrir les cordons de la bourse et qu'en conséquence c'était à pure perte que l'on faisait trotter les courriers. Voilà ce que j'ai bien voulu vous communiquer pour votre direction.

Pour finir ma dépêche, je vous dirai que le projet sur lequel on vous a averti qu'il était sur le tapis, était véritablement tel qu'on vous l'a dit, il y a un an passé.380-2 J'en ai été bien informé alors, mais, outre que la Russie n'a jamais voulu le goûter de la sorte qu'on le lui proposait, savoir de commencer le branle, à moins qu'elle et ses alliés ne fussent préalablement attaqués, et qu'elle a toujours protesté que les engagements qu'on voudrait lui faire prendre, ne seraient que pour la défensive, la négociation a du depuis pris une toute [autre] tournure, comme mes lettres antérieures380-3 vous en ont suffisamment instruit. Enfin, l'assemblée du Parlement d'Angleterre, qui ira se faire au mois futur de novembre, jettera bien du jour sur toutes ces affaires.

Federic.

Nach dem Concept.

<381>

379-2 Vergl. Nr. 6398.

379-3 Nr. 6384.

380-1 Vergl. S. 152.

380-2 Vergl. S. 26.

380-3 Vergl. S. 369. 372. 376.