6521. AU PRINCE DE PRUSSE A BERLIN.
[Potsdam], 13 [novembre 1754].
Mon cher Frère. Vous saurez sans doute la nouvelle du jour, qui est que le prince héréditaire de Hesse s'est fait catholique; on dit que c'est par amour pour une comtesse Hatzfeld qu'il a fait cette sottise-là. On peut voir par là à quels excès cette passion précipite de jeunes gens qui s'y abandonnent. Nous avons tant d'exemples de sottises que les femmes ont fait faire aux hommes et à des princes qui valaient mieux que celui de Hesse, que je crois qu'il est prudent à quiconque se sent quelque penchant à l'amour, de s'observer soi-même et de ne jamais s'abandonner si fort à cette passion que de lui sacrifier tout,<470> de guider toutes ses actions au but d'une amourette et d'être assez efféminé que de ne pouvoir pas réprimer une passion qui marque une grande faiblesse d'âme et fait quelquefois faire des sottises dont on se repent, quand on est de sang rassis. Vous ne serez jamais dans ce cas-là, mon cher frère; vous aurez assez d'amour pour votre réputation pour ne la point avilir par vous rendre l'esclave d'une femme. Vous savez tout le tort que les femmes ont fait à Henri IV, vous voyez la confusion que met en France la maîtresse de Louis XV : tout le monde achète à sa boutique les charges du royaume; et vous ne voudrez sans doute pas vous attirer un blâme pareil. Ainsi tout ce que je pourrais dire là-dessus, ne serait que superflu, vous priant de me croire avec bien de la tendresse, mon cher frère, votre fidèle frère et serviteur
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.