<103> de Mirepoix a déclaré aux ministres anglais que la France ne saurait qu'être choquée des injustes prétentions que le contre-projet du ministère britannique comprenait,1 vous ne manquerez pas de dire à M. de Rouillé que, selon mes lettres ci-dessus alléguées, il y avait eu un conseil extraordinaire assemblé à Londres où on avait résolu de lever 5,000 hommes de troupes marines, d'augmenter encore la marine et de faire demander aux Communes un vote de crédit illimité pour le roi d'Angleterre, afin qu'il ne soit pas restreint dans la dépense convenable pour pousser les ostentations. Vous direz d'ailleurs à ce ministre que, comme il était tout clair de voir, par les lettres que le roi d'Angleterre avait faites depuis peu à ses alliés pour les informer de ses différends avec la France et pour réclamer leur assistance contre des subsides à leur fournir par l'Angleterre, quand le cas l'exigerait,2 que son parti est tout pris de rompre avec la France, qu'il n'en faudrait dont plus douter, mais regarder les choses et s'arranger là-dessus tellement comme si la guerre était effectivement déjà déclarée. Si, contre tout ce qu'on peut attendre, les choses ne parviennent pas à cette extrémité, tant mieux; au lieu, si l'on envisage autrement les affaires et néglige ses précautions, l'on en retirerait un fort mauvais parti.

Vous ajouterez encore que je croyais que tous ceux qui lui avaient conseillé qu'on ferait mieux de faire partir le convoi3 successivement par détachements et sans vaisseaux de guerre, étaient des mal intentionnés contre la France.

Je suppose que la France a le nombre de quatre-vingt vaisseaux de guerre complet, comme on nous l'a annoncé; si ce nombre des vaisseaux est effectivement là, n'en saurait-on pas envoyer trente pour protéger le convoi et garder les autres cinquante pour la sûreté de la France?

En attendant, je crois qu'il presse que la France mette bien en exécution ce qu'elle veut faire à cet égard, autrement l'Angleterre la préviendra, et tous frais faits seront à pure perte; pour ne rien dire ici de l'affront et des insultes que les Français recevront des Anglais.

Voilà des réflexions que vous insinuerez à M. de Rouillé dans les entretiens que vous aurez avec lui, si vous le croyez convenable et nécessaire.

Au reste, j'ai été frappé de ce que le ministère de France est tant indulgent que de permettre à M. de Vergennes d'aller encore se promener en France,4 tandis que sa présence est si nécessaire à Constantinople et qu'il importe extrêmement à la France d'avoir la Porte Ottomane favorable et, s'il se peut, à sa disposition, surtout dans des moments aussi critiques que les présents, pour brider les deux cours impériales, afin qu'elles ne soient pas à même de donner de puissants secours à l'Angleterre; observation que vous tâcherez de faire valoir auprès de Rouillé, si cela se peut convenablement.



1 Vergl. s. 97.

2 Vergl. s. 98.

3 Vergl. s. 93.

4 Vergl. s. 87.