7026. AU DUC RÉGNANT DE BRUNSWICK A BRUNSWICK.1
Sanssouci, 13 octobre 1755.
Mon cher Frère. Je suis bien fâché de l'incommodité que vous cause la négociation dont le roi d'Angleterre vous a chargé, mais, comme elle est une fois en train, il faut voir à quoi cela mènera et si Messieurs les Anglais n'ont pas envie de se moquer de vous et de moi. N'est-ce pas bien singulier que ces gens demandent que j'épouse leurs intérêts lors qu'actuellement j'ai deux gros démêlés avec eux qui ne sont pas vidés? On dirait que toute la terre, aux dépens des intérêts propres d'un chacun, est obligée d'embrasser la défense de ce fichu pays? On exige de moi des déclarations, dans un temps qu'on ne s'explique pas soi-même; ils veulent que je plante là la France et que je me repaisse de la gloire d'avoir préservé leur pays d'Hanovre, qui ne me regarde ni en noir ni en blanc; ces gens ou veulent me duper grossièrement, ou ils sont fols et imbus d'un amour propre et ridicule. Cependant, je vous prie de leur donner des espérances, dans une lettre particulière dont vous accompagnerez la copie de la lettre ostensible que je vous écris,2 et de leur marquer que le duc de Nivernois venait ici pour faire un nouveau traité, le mien expirant au mois de mai prochain,3 et que vous croyez que, si, de la part de l'Angleterre, on voulait établir une confidence réciproque, il fallait s'expliquer plus ouvertement; que, comme c'étaient eux qui avaient commencé la négociation, que c'était aussi à eux à parler les premiers; que, comme nous n'avions aucun engagement ensemble qui les mît en droit de prétendre la moindre chose de moi, il fallait nécessairement qu'ils parlassent plus ouvertement pour s'attendre à une même ouverture de ma part, et que surtout il fallait commencer par aplanir les vieux démêlés, avant que de procéder plus loin etc.
Je suis bien fâché de vous ennuyer par ce galimatias politique, mais je ne saurais faire autrement dans ce moment-ci ; ma situation est critique, il ne me convient point de m'aventurer et de faire des étourderies dont je pouvais peut-être me repentir. D'ailleurs, ces gens sont si boutonnés qu'ils me donnent lieu de les soupçonner et que je crois presque qu'ils ne pensent qu'à gagner du temps, à m'endormir à présent pour planter vous et moi le printemps qui vient, lorsqu'ils auront arrangé leur jeu et qu'ils croiront pouvoir se passer de moi. Je vous embrasse de tout mon cœur, en vous assurant des sentiments tendres et pleins d'estime avec lesquels je suis, mon cher Frère, votre fidèle frère.
Federic.
Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.
1 Vertrauliches Begleitschreiben zu dem voranstehenden ostensibeln Schreiben.
2 Vergl. Nr. 7025.
3 Vergl. S. 287.