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Le marquis d'Havrincourt, qui, selon moi, n'a pu méconnaître la Reine, a désiré savoir quel était son sentiment sur cette question. Sa Majesté, après s'en être fait presser plusieurs fois, lui a dit que son avis était qu'il fallait s'attacher au tronc, puisque les branches, étant sujettes à se corrompre et à pourrir, pouvaient se diverser. L'Ambassadeur lui a répondu mais que, s'il y avait des épines autour de ce tronc, comment il fallait faire. Sa Majesté lui a répondu qu'il était mauvais jardinier de ne pas savoir qu'il n'y avait point d'épines autour d'un pommier … La conversation a continué quelques moments sur cette matière, et le marquis d'Havrincourt est venu à la plainte qu'il était fâcheux qu'il y ait des épines autour du tronc. La Reine n'a pas jugé à propos d'entrer davantage en matière, mais, le marquis d'Havrincourt ayant dit en jargonnant qu'il était Français, Sa Majesté lui a dit qu'elle avait un frère en France, que, s'il lui écrivait, il devait lui faire bien des compliments de sa part et lui dire que, malgré ce qu'il pouvait penser sur son sujet, elle l'aimait toujours également. Le marquis d'Havrincourt, continuant toujours l'incognito, lui a répondu qu'elle pouvait être sûre qu'il le lui écrirait, à quoi il a ajouté quelques assurances de l'amitié de ce frère … La Reine m'a paru fort satisfaite de l'entretien qu'elle a eu sous le masque avec l' Ambassad eur.“

Maltzahn berichtet, Stockholm 7. Februar: „Le Roi m'a parlé il y a huit jours quelques mots d'affaires, disant que les choses allaient bien mal, que le petit peuple lui était fort attaché, et que, si Sa Majesté voulait dire un mot, elle lui ferait ce qu'elle voudrait, mais le Roi ajouta qu'il était plus aisé d'allumer du feu que de l'éteindre, et que Sa Majesté croyait surtout devoir penser ainsi, puisqu'elle avait des enfants J'ai appuyé autant que possible une façon de penser si modérée.“

J'ai été d'ailleurs charmé d'apprendre la façon de penser modérée que le roi de Suède vous a déclarée dans l'entretien que vous avez eu avec lui; je suis bien persuadé que celle de ma sœur n'est autre au fond, je souhaiterais seulement qu'elle fût plus en garde contre ceux qui, sous le faux prétexte de zèle pour sa dignité, lui représentent bien des choses dans un faux jour, pour l'amener à leurs vues.

Ce serait donc un véritable coup de partie, si vous et peut-être encore le marquis d'Havrincourt pouviez réussir à lui inspirer des soupçons contre ces gens et lui ouvrir les yeux sur leurs mauvaises intentions et sur les fausses démarches où ils voudront la mener, dans le but de ruiner le parti de France et de mettre le royaume en confusion, pour le rendre dépendant de la Russie. A quelle fin, je vous recommande encore de contribuer au possible à ce qu'une conversation confidente entre ma sœur, la Reine, et l'Ambassadeur soit ménagée, tout comme je vous l'ai déjà ordonné par ma dépêche antérieure,1 afin que ma sœur soit ramenée des idées passionnées que son parti lui a données, ou que, du moins, l'aigreur qui subsiste entre elle et ledit ministre, soit levée ou diminuée, ce qui sera toujours autant gagné.

Federic.

Nach dem Concept.



1 Vergl. Nr. 6652 S. 57.