6719. AU CONSEILLER PRIVE DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.
Potsdam, 5 avril 1755.
Je n'ai point reçu de vos nouvelles par l'ordinaire dernier. Dans ma dépêche que je vous ai fait passer du 1er de ce mois,106-4 j'avais oublié de vous dire encore que, comme il est, dans ces moments critiques, d'une nécessité absolue et indispensable que la France s'entende bien avec l'Espagne, mon intention est que, si vous avez l'occasion d'y pouvoir contribuer en quelque façon, vous devez employer toutes vos forces afin que ces deux puissances soient rapatriées et l'étroite intelligence rétablie entre elles, pour agir d'un concert commun sur une affaire qui les intéresse également.106-5
Au surplus, si la guerre entre la France et l'Angleterre est inévitable, il ne faut plus douter alors que le roi d'Angleterre ne la veuille rendre générale; sur quoi, il m'est venu une idée, s'il ne conviendra pas à la France, supposé que ce Prince lui déclare la guerre, d'envoyer alors d'abord un corps de troupes assez respectable tout droit au pays d'Hanovre pour s'en emparer, et de demander ensuite à ce Prince s'il<107> n'aimera pas de rétablir la paix. Quoique je voudrais bien que vous fassiez quelque insinuation à M. de Rouillé sur ce sujet, il faut néanmoins que vous le fassiez bien adroitement et avec tout le ménagement possible, pour ne pas donner lieu à ce ministre de me soupçonner injustement que je voudrais augmenter l'aigreur entre la France et l'Angleterre et souffler le feu.107-1 Mais, en cas que cette insinuation saura se faire par vous, vous ajouterez que, pour que la France puisse faire une pareille entreprise avec succès, il faudrait que cela se fît incontinent après la déclaration de la guerre du roi d'Angleterre et sans biaiser, avant que celui-ci puisse gagner le temps pour assembler force de troupes de ses alliés pour pousser la guerre au Rhin, en Italie et autre part contre la France. Je remets ceci à votre discrétion, afin que vous vous y preniez avec toute prudence possible.
Federic.
Nach dem Concept.
106-4 Nr. 6714.
106-5 Vergl. S. 104.
107-1 Vergl. S. 93.