6997. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A FONTAINEBLEAU.
Knyphausen berichtet, Paris 12. September: „Le sieur de Séchelles vient de faire, au reste, à l'occasion du renouvellement du bail des fermes générales, une des plus belles opérations de finances qui aient jamais été pratiquées. Il n'a non seulement augmenté le prix annuel du bail de 7,200,000 livres, mais il a aussi emprunté 60,000,000 des fermiers généraux pour le compte du Roi, dont il ne payera les intérêts qu'à raison de quatre pour cent, tandis que les derniers emprunts étaient à six, et le principal de cette somme sera remboursé par l'augmentation annuelle dont je viens de faire mention. Cette augmentation fait entrer un fonds extraordinaire de 60,000,000 dans les coffres du Roi.“ | Potsdam, 23 septembre 1755. Les dépêches que vous m'avez faites du 8 et du 12 de ce mois, m'ont été fidèlement rendues. J'ai appris avec bien de la satisfaction l'accroissement du crédit du maréchal de Belle-Isle et qu'il se trouve à la veille d'entrer au Conseil. Ce sera toujours un bonheur pour la France qu'il soit quelqu'un en place qui embrasse la totalité des affaires et qui, ferme dans ses principes, les dirige. Il faudra cependant [voir], quand une fois M. de Belle-Isle sera entré au Conseil, jusqu'où son influence dans les affaires s'étendra, et à qui on donnera alors le commandement de l'armée à sa place. |
Quant à la Bavière, je ne crois pas que la France y pourra guère compter, et, autant qu'il m'en revient partout, l'Angleterre l'aura déjà prévenue à force d'argent, ainsi que la France y arrivera trop tard.
J'ai été prodigieusement surpris de la résolution que la cour de France a prise en relâchant la frégatte anglaise que le comte du Guay avait conduite à Brest. Cette démarche fera certainement peu d'honneur au Conseil de France et enorgueillira d'autant plus celui d'Angleterre, qui se moquera de cette modération malavisée et n'ira ni plus ni moins la route qu'il a adoptée. Je ne puis dissimuler à vous que la conduite que le ministère de France tient à ces égards, est des plus pitoyables qu'on puisse imaginer, et qu'il me semble qu'ils fassent comme les enfants qui, en se tenant les mains devant les yeux, se croient cachés devant tout, de sorte que je crains véritablement que ce ministère ne devienne encore la risée de toute l'Europe, par tant de faiblesse qu'il fait<313> remarquer. Ce qui ne soit dit cependant qu'à vous seul, [et je vous enjoins] de n'en faire rien apparaître.
Quant à l'opération de finances qu'ils ont faite, je ne veux pas vous laisser ignorer, quoique pour votre direction seulement, qu'il y a eu depuis peu quelques financiers français en Hollande et à Amsterdam qui y ont voulu négocier de fortes sommes en argent à un intérêt de 6 à 8 pour cent, mais qu'ils n'y ont pas réussi.313-1
Au reste, nous avons appris par de bonnes lettres de Londres313-2 que, depuis peu, les ordres ont été renouvelés aux commandeurs anglais de courir sur tous les vaisseaux français indifféremment et sans limitation des endroits, et qu'en conséquence de ces ordres on avait amené depuis peu de temps plus de trente bâtiments français dans différents ports d'Angleterre. L'on ajoute que, dès que le roi d'Angleterre sera de retour à Londres, on accordera des lettres de marque aux armateurs, et que la guerre sera déclarée en forme contre la France; que le prétexte en serait le relèvement des fortifications de Dunkerque.313-3 Que le ministère anglais suivrait invariablement son système pris de longue main de pousser à outrance la guerre contre la France; qu'on s'embarrassera peu si la France souffrira les insultes qu'on lui fait, et qu'on les fasse passer pour agresseurs ou non; que, depuis qu'ils sont sûrs que l'Espagne ne se mêlera pas de cette querelle,313-4 ils n'hésitent plus de lever le masque et de faire connaître ouvertement le dessein où ils sont de pousser la guerre contre la France, et qu'ils se persuadent qu'agresseurs ou non, leurs alliés ne se joindront à eux que pour leur argent, et qu'en conséquence ils veulent mettre en crédit les armements qu'ils ont faits et qu'ils poussent encore. Voilà ce que vous pouvez bien communiquer aux ministres.
Federic.
Nach dem Concept.
313-1 Vergl. S. 311.
313-2 Bericht Michell's, London 5. September. Vergl. Nr. 6996.
313-3 Vergl. S. 267.
313-4 Vergl. S. 288.