<226> entrevoir que la France n'a point besoin de barrière en Flandre, pour mettre en sûreté ses possessions-là. En attendant, pour abuser les ministres de France de toute impression fausse que les insinuations des Autrichiens sauraient opérer sur eux, vous chercherez les occasions d'insinuer non pas directement aux ministres mêmes, mais plutôt à ceux qui ont leur confiance et qui osent leur parler d'affaires, qu'il n'était pas difficile à pénétrer que tout le système présent des Autrichiens visait que, parcequ'ils ne sauraient que difficilement maintenir leurs possessions aux Pays-Bas contre la France, qui tomberaient absolument devant la France à la première occasion qu'elle les entamerait, ils en voudraient sacrifier une partie à l'infant Philippe, pour s'en assurer du reste. Quant à moi, j'envisagerais ceci comme une barrière faite contre la France, afin de l'empêcher par là de ne pouvoir jamais s'agrandir de ce côté-là.
Quant aux vues de la cour de Vienne sur l'Italie, il n'est pas malaisé de pénétrer, qu'après s'être assurés des États de Modène par les engagements qu'ils ont pris avec le duc de Modène,1 ils voudraient s'emparer encore de ceux de Parme et de Plaisance, pour établir une meilleure connexion qu'ils n'ont eue jusqu'à présent, avec la Toscane, et de se mettre par là en état de donner la loi à toute l'Italie. Aussi quand la cour de Vienne parviendra à réussir dans son projet, il ne faut plus douter qu'elle ne songe de ravoir encore le royaume de Naples par les cessions qu'elle offrira de faire du reste de ses possessions des Pays-Bas à quelque prince de la maison d'Espagne, et que, par conséquent, si le ministère de France entre dans les idées de ladite cour, il travaillera lui-même de rendre la nouvelle maison d'Autriche plus puissante que l'ancienne n'a jamais été. Sur quoi, cependant, il faut croire qu'il se formera alors une ligue assez forte en Europe pour s'opposer à de tels desseins pernicieux, même à la France. C'est aussi en conséquence que j'ai bien de la peine encore à me persuader qu'on voudrait accéder à un pareil traité, ni que le roi des Deux-Siciles y voudrait jamais prêter les mains. Ainsi, supposé pour un moment que les deux cours conviendront de quelque chose là-dessus, il faudra croire que tout n'aboutira à rien dès l'évènement de la mort du roi d'Espagne sans héritiers mâles, mais que le malheur arrivera alors que la France se verra la dupe des menées des Autrichiens.
Pour ce qui regarde l'affaire de ma convention de neutralité, mon intention est qu'après toutes les explications que j'ai faites là-dessus, vous laisserez tomber entièrement cette affaire, étant persuadé que, moins vous parlerez là-dessus, plus tôt elle sera mise à l'oubli et qu'on y songera moins.
Au reste, j'ai été très satisfait jusqu'ici de toutes les relations que vous m'avez faites par rapport à la conjoncture présente, ainsi que vous
1 Vergl. Bd. X, 64.