<72> Potsdam, 3 février 1756.
J'ai bien reçu les dépêches que vous m'avez faites du 21 et du 23 de janvier passé, et ne [veux] point vous dissimuler que j'ai été extrêmement satisfait, tant par rapport aux nouvelles que vous m'y avez indiquées que par les raisonnements très solides et les réflexions sages qu'elles comprennent. Mais, pour entrer en matière là-dessus, je vous dirai que, dès la première audience que le duc de Nivernois a eue de moi,1 j'ai prévenu pour la plupart les bons avis que vous venez me donner, et je lui ai représenté en termes les plus doux mon traité avec la France purement défensif qui allait expirer, la puissance et le grand nombre de mes ennemis, ma situation et toutes les suites qu'une entreprise sur le pays d'Hanovre ne laisserait d'entraîner à présent. Je lui ai d'ailleurs fidèlement communiqué les propositions que l'Angleterre m'avait faites en égard de la neutralité de l'Allemagne à conserver pendant la présente guerre, jusqu'à faire voir au duc de Nivernois toute la correspondance qu'il y avait eu là-dessus entre moi et l'Angleterre,2 et lui ai témoigné combien j'étais disposé, nonobstant cela, de renouveler mon traité défensif avec la France. Si, après tout ceci, les ministres de France demandent pourquoi j'avais attendu si longtemps de lui faire part des propositions que le roi d'Angleterre m'a fait faire, vous savez que je vous avais instruit3 de leur déclarer qu'il m'avait été fait des propositions de la part de l'Angleterre sur lesquelles je m'expliquerais au duc de Nivernois, dès qu'il arriverait, mais comme son départ a traîné depuis le septembre de l'année passée de huit en huit jours,4 je n'ai pas été à même de m'ouvrir à lui sur ces propositions, avant qu'il fût arrivé ici, tout comme je l'ai fait à présent, et que je lui ai tout communiqué jusqu'au traité même, avant qu'il fût conclu et signé.
Quant au traité même, je ne vois aucun mal que j'ai fait à ce sujet, ni aucune bonne raison qui m'eût obligé d'y demander le consentement de la France, tout comme l'Espagne n'a pris point conseil de la France, quand elle fit son traité d'Aranjuez,5 quoique la maison royale d'Espagne soit encore apparentée avec celle de France, ce que je ne suis pas. D'ailleurs, il y a un grand article à observer encore, c'est que mon traité avec la France expire6 et que par là j'aurais eu les mains libres de prendre toutes autres mesures, de sorte que je crois, quant aux menaces que M. de Rouillé a faites, qu'elles seraient mieux employées, s'il les faisait contre les ennemis de la France, les Anglais; car, pour ce qui me regarde, je ne vois ni raison ni but pourquoi il les voudrait faire. A présent que mon traité avec la France est sur le moment d'expirer, je me vois nécessité de prendre un parti pour avoir des alliés, et quoique l'Angleterre m'ait donné assez intelligiblement à
1 Vergl. S. 42.
2 Vergl. S. 48. 51.
3 Vergl. Bd. XI, 302.
4 Vergl. Bd. XI, 480.
5 Vergl. Bd. IX, 488. Cantillo, Tratados di paz e di commercio, p. 412.
6 Vergl. S. 49.