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Votre Majesté avait mis entre les ouvertures qu'Elle m'avait chargé de faire à ce sujet, et la signature de Son traité avec l'Angleterre, avait été si court qu'on avait à peine eu le temps d'envoyer des instructions sur ce point au duc de Nivernois. Enfin, ce ministre ajouta que, quelque affligé qu'il fût de la démarche à laquelle Votre Majesté venait de Se porter, il vaincrait cependant si bien les mouvements de son esprit qu'il n'en laisserait rien paraître et qu'il ferait tout ce qu'il pourrait, pour faire soupçonner au public que cette négociation n'avait point été tramée à l'insu de la France et qu'il ne la regardait point comme contraire à ses intérêts; qu'il garderait la même contenance, jusqu'à ce qu'il fût instruit du contenu de ce traité et qu'il sût l'apprécier à sa vraie valeur. Qu'il ne saurait cependant me cacher que, quoique je recevrais toujours de lui pendant cet intervalle les mêmes témoignages d'amitié et d'attention, il ne pourrait pourtant plus me marquer la même confiance et qu'il se trouvait forcé de la suspendre, jusqu'à ce qu'il fût éclairci sur l'objet des nouveaux liens que Votre Majesté venait de former …Comme il ne pourrait s'expliquer à ce traité, avant qu'il n'y eût des notions sûres et précises sur les articles qu'il renfermait, il se bornerait donc seulement à observer que, si ce traité mettait dans l'inaction le corps auxiliaire de troupes russes que l'Angleterre avait a sa solde, il procurait en revanche à cette dernière la facilité de faire passer dans les îles britanniques toutes les troupes allemandes qu'elle avait à sa solde, ce qui ne pouvait certainement pas être envisagé comme favorable pour la France. Que d'ailleurs, quoique Sa Majesté Très Chrétienne n'eût eu aucunes vues sur l'Allemagne pour le moment présent, il n'était point du tout indifférent pour elle d'avoir perdu la facilité d'attaquer l'électorat d'Hanovre, au cas que les opérations maritimes pour lesquelles elle s'était déterminée, n'eussent point le succès qu'elle en attendait. …Le comte de Starhemberg a depuis quelques jours de fréquentes et longues conférences avec M. Rouillé,1 qui

pes de Russie aurait passé dans l'Allemagne. Pour votre seule direction, j'ajouterai à ceci que ce fut alors la nécessité qui me força de donner les mains à la convention de neutralité que l'Angleterre m'offrit, vu que mes États en Allemagne voisins de ceux d'Hanovre auraient été bien exposés, si jamais un corps si considérable de troupes russiennes fût entré en Allemagne. J'avais, d'ailleurs, tout lieu de présumer que, si la France avait voulu tenter quelque entreprise sur le pays d'Hanovre, elle l'aurait faite dès le commencement des hostilités ouvertes des Anglais, puisque c'était alors le temps de le faire avec espérance de succès.2

Mais dès que le traité de subsides fut conclu entre l'Angleterre et la Russie, il n'y avait plus moyen d'entrevoir avec quel succès ou avantage la France aurait pu entamer les États hanovriens, entreprise qui, par les arrangements que le roi d'Angleterre a présentement pris, n'aura d'autre suite, sinon que la France s'attirerait sur les bras 60,000 Russes et d'ailleurs une guerre générale, ce qu'elle a voulu éviter cependant, et c'est aussi pourquoi elle a résolu de faire la guerre par mer,3 comme tous les arrangements qu'elle fait à présent, le démontrent clairement, et que le duc de Nivernois me l'a dit lui-même.

Voilà la question de fait, qu'il faut qu'en parlant avec les ministres de France vous sépariez soigneusement d'avec la question du droit,4 afin de vous expliquer dis-



1 Vergl. Bd. XI, 347. 382.

2 Vergl. S. 73.

3 Vergl. S. 26.

4 Vergl. Nr. 7214 S. 49.