7281. AU PRINCE DE PRUSSE A BERLIN.
Potsdam, 19 [février 1756].
Mon cher Frère. Vous avez trop bonne opinion de moi, mon cher frère; je me suis trouvé dans une situation très scabreuse, et je suis encore en quelque sorte dans un embarras dont je ne puis me tirer qu'avec beaucoup de ménagements et en maniant délicatement les matières. J'ai agi le mieux que j'ai pu selon mes lumières, mais il arrive souvent qu'on se trompe pourtant; ce qui me fait bien espérer pour cette fois ici, c'est qu'on est, on ne saurait plus, capot à Vienne,125-1 marque certaine que nos ennemis croient beaucoup perdre par la démarche que je viens de faire, et, s'il est certain que, pour se bien conduire, on doit agir toujours d'une manière diamétralement opposée aux vœux de nos ennemis, je crois avoir bien rencontré pour le fond de la chose. A présent, il ne s'agit que de polir l'ouvrage, de le perfectionner et d'y ajouter les correctifs nécessaires; je vous assure que je m'y mets de tout mon long et que je n'épargne rien pour dissoudre une ligue formidable sous laquelle tôt ou tard l'État aurait succombé : c'était par la même politique que les Romains travaillaient à désunir leurs ennemis, et que, les combattant un par un, ils les vainquirent tous.
Cette année-ci que je compte avoir gagnée, me vaut autant que cinq des précédentes, et, si dans la suite je peux servir de médiateur aux puissances belligérantes, j'aurai fait à la Prusse le plus grand rôle qu'elle puisse représenter en temps de paix; et ne comptez-vous pour rien le plaisir de faire enrayer la reine de Hongrie, d'humilier, ou pour mieux dire, d'anéantir la Saxe, de désespérer Bestushew? Voilà quelles sont les suites qu'aura un petit coup de plume.
Je vous embrasse, mon cher frère, en vous assurant de la tendresse avec laquelle je suis, mon cher frère, votre fidèle frère et serviteur
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.
125-1 Vergl. S. 121. 127.