7355. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.
Potsdam, 16 mars 1756.
Je viens de recevoir la dépêche que vous m'avez faite du 5 de ce mois.195-1 J'approuve d'abord que vous n'ayez point hésité de communiquer à M. de Rouillé la copie des deux pièces que je vous avais envoyées,195-2 vu que la communication était absolument nécessaire et que vous n'aurez point pu la lui refuser de bonne grâce, ainsi que vous avez agi parfaitement là-dessus en conformité de mes intentions.
Après cela, je ne veux point vous laisser ignorer que, selon de bonnes lettres de Vienne,195-3 il est échappé à un des principaux domestiques du comte d'Aubeterre de dire, après le retour du courrier que le dernier a reçu de France, que celle-ci trouverait moyen de se venger tant sur moi que sur le roi de l'Angleterre, que la France ferait marcher une armée vers le pays d'Hanovre, tandis qu'un autre corps considérable de troupes françaises tomberait dans mon pays de Clèves, par où je serais obligé à partager mes forces, et que la reine de Hongrie serait mise par là à même d'entrer dans la Silésie; aussi, qu'en attendant le général Pretlack serait envoyé à quelques cours de l'Allemagne,195-4 pour disposer les États de l'Empire à ne point s'opposer à ce projet. Vous observerez que je ne vous marque tout ceci que pour votre direction seule, et que d'ailleurs j'ai toute la peine du monde à me persuader de l'existence d'un pareil projet, qui serait trop biscornu et s'accordait mal avec la variation et la timidité du ministère de France, qui d'ailleurs a décliné jusqu'ici de rendre la guerre générale, ainsi qu'il me paraît être impossible qu'il voudrait songer à présent d'entreprendre des choses qui, par une suite immanquable, rendraient la guerre générale.
Au surplus, tant que j'ai pu pénétrer par des discours que le duc de Nivernois m'a tenus, je présume que Madame de Pompadour incline de faire quelque changement dans le ministère,195-5 et que sa clique a des dispositions fort pacifiques, de sorte que, si elle veut faire des changements dans le ministère, elle évitera bien de multiplier la guerre, qui ne lui conviendrait nullement à ses desseins; tout au contraire, j'estime qu'on voudra faire écouler cette année avec des démonstrations et des ostentations guerrières.
La seule chose qui me donne encore des soupçons sur quelque concert à prendre entre les deux cours, c'est que le comte d'Aubeterre a rompu entièrement avec mon ministre de Klinggræffen à Vienne,195-6 jusqu'à éviter tout-à-fait sa personne et sa conversation. C'est aussi par cette raison que je vous recommande fort d'être, en attendant, bien<196> attentif sur tous les mouvements que les troupes françaises feront dans les trois évêchés vers la Meuse et du côté de Givet;196-1 car dès qu'on y assemblera des corps, alors il ne faudra plus s'y fier. Je suppose en ceci que la France a formé quelque mauvais dessein.
Au reste, je veux bien vous dire encore, quoiqu'absolument pour votre direction seule, que j'ai appris de bon lieu196-2 que l'Angleterre a résolu de faire demander à la cour de Vienne une explication catégorique sur ses desseins par rapport à la paix et la tranquillité de l'Allemagne; la réponse que cette cour donnera, nous fera voir plus clair sur ses vues.
Pour revenir encore une fois sur le projet des conditions que l'Angleterre demande pour se raccommoder avec la France, je vous ordonne de dire au sieur de Rouillé et aux autres ministres que je leur faisais des instances que, supposé, comme j'en suis presque persuadé, que les ministres ne trouvassent point ces conditions suffisantes et qu'elles ne les accommodassent point présentement, ils voudraient au moins faire en sorte que, par la réponse qu'ils y donneront, la négociation ne soit pas entièrement rompue, mais que je puisse la tenir en haleine encore; que cela ne mettrait point obstacle à exécuter leurs [plans] d'opération projetés pour la guerre contre les Anglais, mais pourrait bien servir à l'acheminement de la paix, quand, selon les évènements, la France trouverait de sa convenance de s'en approcher.
Federic.
Nach dem Concept.
195-1 Ueber den Inhalt des Berichtes von Knyphausen vergl. auch Nr. 7354—7356.
195-2 Gemeint sind die am 26. Februar Knyphausen übersandten Schriftstücke: die englische Denkschrift und der Auszug aus dem Berichte Michell's vom 12. Februar. Vergl. Nr. 7303.
195-3 Bericht Klinggräffen's, Wien 7. März. Vergl. Nr. 7356.
195-4 Vergl. S. 187.
195-5 Vergl. S. 189.
195-6 Vergl. S. 165.
196-1 Vergl. S. 190.
196-2 Bericht Michell's, London 5. März. Vergl. Nr. 7354.